Tenter de conquérir le monde

Où Enzo se prend pour Cortex

Le conseil de tonton Enzo

Pour prendre le pouvoir dans une communauté, il faut occuper plusieurs rôles en même temps.

Dans le milieu de la SFFF française, c’est chose relativement aisée.

Trois fonctions à considérer : la création (autrice), la sélection-production (éditrice), le jugement (critique littéraire ou booktubeuse). Pour imposer ta vision du monde et du genre (littéraire), avoir les trois casquettes semble indispensable.

Mais à supposer que tu n’écrives pas de romans toi-même, n’aie crainte, être membre de deux prix littéraires prestigieux en même temps te mettra sur la bonne voie.

Il faut que tu donnes l’impression d’être partout. Nul besoin d’être bonne dans chacun de ces rôles : comme l’effet est cumulatif, un tiers des efforts et des compétences attendues suffit. Tu l’as compris, ce qu’il importe, c’est la quantité et non la qualité.

Pour imposer tes vues, la critique littéraire est l’une des meilleures armes qui soient : on distribue louanges et blâmes avec prodigalité, récompense les amies et descend les membres du camp adverse (ou plutôt, des camps adverses, car plus le milieu est petit, plus les querelles de clocher sont nombreuses). Pas besoin de rédiger un avis détaillé, informé par des années de lectures assidues, une vague opinion assassine suffira. Plus elle est cruelle, plus elle fera du bruit : l’essentiel est de rappeler aux autres que l’on existe (do you know who I am?!).

Quand tu te seras lassée d’un de ces rôles, prends la direction artistique d’un festival de renom : ça paie mieux que le reste et, soudainement, un nombre incalculable de profiteuses viendront te faire la cour. Ton réseau amical s’en trouvera renforcé ; ton idéologie s’imposera de facto.

Félicitations. Dans cette petite niche, tu seras devenue la reine des clebs.

Le coin Culture

Lecture : The Written World and the Unwritten World d’Italo Calvino

Publié en ce début d’année, ce recueil d’essais inédits de l’écrivain italien, mort en 1985, est, il faut l’espérer, le dernier qui sera publié dans l’anglosphère : combien d’années encore peut-on exploiter un auteur décédé tout en proposant de l’inédit ? Visiblement, davantage de temps que je n’ai moi-même vécu. Bref. Italo Calvino est mon auteur zombie préféré.

Ce recueil est un pot-pourri, rassemblant des fonds de tiroir, parfois très intéressants, parfois (beaucoup) moins. Il est divisé en quatre parties : 1) Reading, Writing, Translating ; 2) On Publishing ; 3) On the Fantastic ; 4) Science, History, Anthropology. Je suis actuellement en train de lire ses articles sur le fantastique.

Il est certain que ce recueil n’est pas aussi stimulant que peut l’être le devenu-classique Pourquoi lire les classiques ? (1991), La collection de sable (1984), ou mon préféré : Leçons américaines : six propositions pour le prochain millénaire

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(1988).

L’érudition de Calvino, qui me rappelle celle de Borges et de ses Autres Inquisitions, est renversante, souvent intimidante. Si je peux (péniblement) suivre tout ce qui touche aux littératures française et anglophone, il me perd dès qu’il parle de la littérature italienne (surtout post-Renaissance). Certains essais sentent bon le renfermé, c’est-à-dire les préoccupations littéraires du XXe siècle (la place de l’auteur, l’avenir du roman et de la littérature, etc.)… Nous sommes en 2023, le roman n’est toujours pas mort : certains débats sont donc, de fait, dépassés et ne méritent pas qu’on les entretienne.

Pour conclure : à ne pas lire si tu cherches une porte d’entrée à l’œuvre non-fictive de Calvino.

Musique : AKMU

AKMU (short for Akdong Musician) est un duo coréen très talentueux. Lee Chan-hyuk et Lee Su-hyun, qui ont débuté en 2014, sont frère et sœur. Iels proposent des musiques variées, allant de la soul à la K-pop, en passant par la folk-pop.

Trois exemples de cette diversité quirky :

Reality (2017)

Dinosaur (2017)

Freedom

Petit écran : Kiss of the Rabbit God

Puisque l’année du lièvre/lapin/chat

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(raye la mention inutile) vient de commencer. Je t’offre ce petit frisson, un court-métrage qui devrait te passionner pour le Rabbit God, Tu’er Shen (兔儿神), le dieu chinois des amours homosexuelles :

Ces dernières semaines, j’ai regardé les séries suivantes, que je te conseille :

• Be Melodramatic (Corée, 2019) : la première moitié de la série a les dialogues les plus drôles et les plus WTF qui aient été jamais écrits ; il y a même un personnage secondaire gay - ouf de ouf.

• Lesson in Love (Taiwan, 2022) : une histoire d’amour passionnelle entre un lycéen et sa prof de Chinois. Une masterclasse sur l’art de la manipulation (je ne te dis que ça : mais qui est manipulée ? le lycéen ou la spectatrice ?). Le lycéen est joué par Edward Chen, que tu as pu voir dans Your Name Engraved Herein (un film gay, dispo sur Netflix, si ma mémoire est bonne).

• I don’t love you yet / In Time with You (Japon, 2019) : 16 épisodes qui montrent que le Japon sait faire aussi bien que la Corée quand il le désire. J’adore les romances qui ont pour trope les best friends to lovers. Je suis tombé sous le charme des deux acteurices (Adachi Rika et Shirasu Jin). Superbe, superbe, superbe ! 🥰

So long!

Enzo

1. C’est mon préféré car, entre autres, le titre annonce 6 propositions, mais il n’y en a que 5. Calvino est mort avant de rédiger la 6ème conférence.

2. Le lapin/lièvre est remplacé par le chat au Vietnam.