Pouets-pouets et gazouillis (Tweets & Toots)
Où Enzo fait son (anti-)social
Ce jour-là, on aurait dit la fin du monde.
C'était en tout cas la fin d'un monde, celui où l'on pouvait affirmer avec confiance que Twitter serait toujours là pour accueillir nos conversations, notre micro-blogging sans fin.
Au moment où j'écris ces lignes, Twitter is still standing. Le Néron qui est à sa tête fait tout son possible pour mettre le feu à la plateforme. Il a viré la moitié de son personnel, réinvité les Cavaliers de l'Apocalypse (Trump et ses acolytes d'extrême-droite) et flingué les finances déjà bien fragiles de l'oiseau bleu. En somme, Musk, c'est la Truss de la Silicon Valley : une bêtise monstrueuse que personne ne souhaite arrêter avant qu'il ne soit trop tard.
Nous avons tous un plan B. Demain, si Twitter cesse de fonctionner, nous allons nous retrouver sur Facebook, Instagram, Tumblr ou, celui qui a fait beaucoup parler de lui ces dernières semaines, Mastodon. Aucun n'est un remplaçant parfait : Facebook, c'est devenu le réseau préféré de nos parents (sorry, Mum) ; Instagram, pour les écrivains (vous savez, celleux qui travaillent avec les mots), c'est aussi utile qu'un marteau pour visser un boulon ; Tumblr, si tu n'as pas l'âme d'un fan, tu n'y comprendras rien ; quant à Mastodon...
Ah, on a tous des choses à dire sur le mastodonte.
C'est Twitter, mais en mieux (ou pire, selon le point de vue). Déjà, c'est décentralisé. Il s'agit d'une fédération de serveurs connectés entre eux (le fediverse), chacun avec une nétiquette différente, mais qui permet des débats moins polarisés et plus respectueux des autres. Si Twitter t'apparaît comme un cercle vicieux, qui te fait trahir tes valeurs au quotidien, Mastodon, c'est son antidote. Il n'y a pas d'algorithme pour mettre en avant le contenu polémique. Tu n'es donc pas tenté de "faire du bruit" pour attirer le chaland. Mastodon te rappelle que tu n'es pas là pour faire ta publicité, mais que tu es sur un réseau social pour son aspect... eh bien... social. Tu es là pour échanger et créer du lien.
Si Twitter t'a rendu narcissique, Mastodon te rappelle qu'une communauté de narcissiques n'existe pas dans la vraie vie.
Dans notre monde toujours-connecté-mais-déconnecté, revenir au réel et au bon sens, ça fait du bien.
Evidemment, Mastodon, c'est compliqué à utiliser au début. C'est son plus gros problème et la raison pour laquelle Monsieur et Madame Toulemonde préféreront aller scroller sans fin sur Instagram, qui est plus facile à utiliser, et où il y a davantage de monde. Leurs enfants seront, eux, sur TikTok.
Nous voulons aller là où la foule se trouve, même si cela veut dire que :
nous acceptons de vendre notre attention à un algorithme qui décide seul de ce qui nous intéresse ;
nous produisons du contenu gratuitement, sans possibilité de le transférer à tout moment vers une autre plateforme le jour où nous voulons partir ;
nous encourageons des multinationales, dirigées par des sociopathes, à vendre nos données au plus offrant (faisant de nous le produit) ;
nous devenons la pire image de nous-mêmes (me, me, me), où l'égo est gonflé artificiellement par des likes, des retweets et autres dopamine-boosters (mais où, en même temps, nous développons des névroses à la pelle : nous ne sommes jamais assez et/ou nous avons l'impression de ne pas exister).
C'est à ce moment-là de la newsletter que tu es en droit de lever les yeux au ciel et de déclarer : "Enzo vieillit. Même pas quarante ans, et c'est déjà un vieux con."
(Et tu as raison. J'assume.)
Pendant que Néron (le vrai) jouait de la musique en regardant Rome brûler (or so we're told), il devait penser à la fragilité de l'existence et à ce que cela signifiait d'être Empereur d'une ville dévorée par les flammes. (Peut-être envisageait-il même de changer de capitale mais hésitait-il entre Instagralbe-la-longue et l'île de Capri-Tok. L'historien antique Tacite est assez vague sur le sujet.)
Pendant que Twitter était en feu, j'ai beaucoup pensé à Néron et, à l'image de l'artiste maudit qu'il était, j'ai mené mon bout de réfléxion... non pas sur Rome, mais sur les réseaux sociaux. Je n'en livrerai pas le fruit ici, car il ne serait pas au goût de tout le monde
.Toutefois, je dirai ceci :
Notre besoin d'être en contact avec des gens qui nous ressemble (notre tribu) est sincère. Sans ces communautés en ligne, beaucoup d'entre nous (les queers, les sans-amis, les rejetés, les malaimés) mèneraient une vie misérable et solitaire. Dans certains cas, nous ne serions même plus en vie. Nous avons trouvé sur Twitter des gens à notre image, qui nous soutiennent, nous permettent de survivre aux journées de merde que nous avons tous régulièrement, nous encouragent dans nos projets artistiques et vont même jusqu'à nous tirer les oreilles quand nous déconnons.
Mais Twitter est une plateforme toxique, où l'algorithme nous monte les uns contre les autres
, nous donnant l'impression que la communication est une guerre et qu'il faut avoir raison sur tout et à tout moment, où la pensée, bien maladroite, est corsetée par un nombre limité de caractères, où notre âme devient le dépositaire de la misère et de la négativité du monde.Tout en nous donnant l'illusion de la connexion, Twitter nous isole. Et si nous maintenons des amitiés, ce n'est pas grâce à lui mais malgré lui. Nous sous-estimons le prix que nous avons à payer pour l'utiliser.
Si le piaf bleu doit mourir demain, j'aimerais que nous prenions le temps de réfléchir aux valeurs qui sont les nôtres. Puissions-nous avoir la sagesse de choisir un RS qui les respecte et nous aide à les cultiver.
Certes, je suis ne suis pas naïf au point de croire que nous pouvons seuls refaire le monde à notre image... mais si nous n'essayons pas, nous n'avons aucune chance d'y arriver.
So long,
Enzo
Le coin poésie
can, could, — : pouvoir
quand il détourne
son visage je pourrais
prendre sa main
la porter à mes lèvres
y baiser notre amour
mais je reste immobile
le coeur en tyrolienne
paralysé perdu
pouvoir devoir savoir
figé dans les possibles
incertain du futur
je le laisse partir
nô, les sentiments irréguliers
I know, I know, it's cheating.
Et nous cache les tweets de ceux que nous souhaitons suivre avec attention, car nous les connaissons dans la vraie vie. C'est ainsi que j'ai manqué la sortie du dernier roman d'une ancienne camarade de fac chez Critic et la création du site internet sur les séries TV de mon BFF.