Hello đ ! ìë (Annyeong) !
Il existe des miracles qui passent inaperçus, mais qui nâen sont pas moins remarquables et dignes dâĂ©merveillement.
Non, je nâai pas vu la Vierge, mais jâĂ©cris une deuxiĂšme newsletter en ce mois dâaoĂ»t. En tant que Docteur Ăšs Pratiques Procrastinatrices, lâidĂ©e que je puisse rĂ©aliser un projet comme celui-ci, mây tenir sur la longue durĂ©e1, a de quoi me surprendre et me rĂ©jouir.
Iâm in it for the long haul, baby.
Lâangoisse de la newsletter blanche
Evidemment, passĂ© les premiers moments dâenthousiasme, les questionnements dĂ©barquent, les doutes sâinstallent, les angoisses sâenflamment, les nuits blanches sâinvitent.
(Peut-ĂȘtre pas les nuits blanches dans mon cas, car je mâendors sans trop de souci, mais les doutes ! les angoisses ! Câest une vĂ©ritable torture.)
Lâautre jour, gai comme un pinçon, pendant que jâĂ©crivais ma premiĂšre newsletter depuis plus de deux ans, mon esprit fourmillait dâidĂ©es.
Picture this : Enzo en feux dâartifices, vivant 10 000 eureka Ă la minute. Oh la belle bleue ! Oh la belle rouge ! Paradise on Earth, et tout le tralala2.
A peine ai-je cliquĂ© sur âEnvoyerâ que la fourmiliĂšre dans ma tĂȘte sâest fait la malle. Je me suis retrouvĂ© seul avec un esprit vide.
Au loin, on pouvait entendre le vent souffler sur la lande. Des nuages sombres roulaient dans le ciel. CâĂ©tait beau, mais un tantinet creepy.
Et puis, il y avait aussi cette voix grave qui se répandait en écho sans fin : What the hell am I gonna talk about in the next one3 ?
Alors, jâai fait ce que je fais toujours en pareille circonstance : jâai pris la fuite.
Le génie de la procrastination
AprĂšs un week-end Ă fantasmer sur Love Mechanics, et en particulier sur le visage expressif de Wanarat Ratsameerat (surnommĂ© War, for short), jâai dĂ©cidĂ© de ne pas penser Ă cette newsletter et de procrastiner comme il se devait.
Puisque je nâaime pas demeurer oisif bien longtemps, je me suis donc concentrĂ© sur un autre de mes projets : lâĂ©criture de lâĂ©pisode 2 du DĂ©mon blanc de Fleur-Ăclose.
Parler dâun projet en cours relĂšve de la gageure : pour bien en causer, il faut prendre un peu de recul, mais ce nâest pas facile quand on a la tĂȘte dans le guidon.
Et câest ainsi que je vis mon expĂ©rience dâĂ©criture en ce moment : la tĂȘte baissĂ©e, jâavance chaque jour un petit peu, sans penser Ă la big picture, sans trop me demander si la qualitĂ© est au RDV (mais en priant toutes les Muses du monde pour quâelle y soit).
Le but est dâĂ©crire le texte ; le contrĂŽle qualitĂ© se fera Ă la fin.
Au moment oĂč jâĂ©cris ces lignes, jâai fini 8 chapitres, quasiment dans lâordre de lecture, et je vais donc pouvoir commencer la publication hebdomadaire de cet Ă©pisode avant la fin du mois. (Je souhaitais prendre un peu dâavance, avoir une rĂ©serve de chapitres, au cas oĂčâŠ)
Full disclaimer : Je fais partie dâun petit groupe dâentraide, que jâai surnommĂ© âLa Nouvelle Vague Queerâ, composĂ© dâauteurices arc-en-ciel, un peu vaches quand mĂȘme, qui manient le fouet avec beaucoup de dextĂ©ritĂ©.
Constatant ma capacitĂ© illimitĂ©e Ă procrastiner, iels mâont imposĂ© une deadline pour commencer la publication (30 aoĂ»t).
Je ne vais pas faire mon fayot et dĂ©noncer ici leur bullying, car ce nâest pas mon genre (Ă peineâŠ), mais, comme iels lisent cette newsletter, je me contenterai de murmurer : YOU KNOW WHO YOU ARE !
Bref, je me soumets Ă la pression de ce groupe et publierai dans quelques jours le prologue et le chapitre 1.
Sur les joies dâĂ©crire le DĂ©mon-Blanc
Tu lâauras compris : en bon Français, je sais rĂąler et chouiner (l'âĂ©criture, câest dur, bouhouhou).
Un jour, je finirai certainement dans la rue Ă manifester (autre activitĂ© prisĂ©e par mes concitoyens) avec une pancarte (âEcriture, rends-moi ma joie de vivreâ).
Mais nâexagĂ©rons rien⊠(dit-il)
Au fond, lâĂ©criture, ce nâest pas dur : il suffit dâavancer mot Ă mot. On Ă©crit une phrase, puis un paragraphe, puis un chapitre. Tu vois lâidĂ©e.
La douleur vient de notre ressenti, de nos rĂȘves, de nos ambitions - tout ce que lâon attache Ă lâĂ©criture, si bien quâelle finit par ressembler Ă une pauvre mule. On lui fait tout porter. Elle est la source de tous nos maux.
Ă nous Ă©couter parler, les lecteurices finissent par croire que nous sommes des masochistes.
En rĂ©alitĂ©, si on ne se pose pas trop de questions sur le comment, Ă©crire une histoire et imaginer le monde dans lequel elle sâinscrit, câest un vĂ©ritable bonheur.
Avec le DĂ©mon-blanc, je joue constamment Ă lâinterprĂšte-traducteur entre la sphĂšre chinoise et la sphĂšre romaine : le qi est devenu le spiritus, le Yin sâest transformĂ© en Anima, le Yang en Animus.
Comme la Fantasy chinoise parle toujours de "cultivateurs"4 pour désigner ses puissants mages, mais que les lecteurs occidentaux ne sont pas familiers avec ce terme, il m'a fallu trouver un mot "grand public" mais tout aussi vague (surtout de nos jours) : je les ai nommés "Vertueux".
(Explication logique de mon raisonnement en note de bas de page5)
Câest aussi une occasion en or dâaller lire, mĂȘme de maniĂšre superficielle, certains textes taoĂŻstes et bouddhistes (cĂŽtĂ© chinois), stoĂŻciens et Ă©picuriens (cĂŽtĂ© romain)6.
Bref, je ne connais pas dâautres activitĂ©s oĂč je peux geeker et nerder en toute libertĂ©.
Mais mĂȘme si jâaime donner une certaine Ă©paisseur intellectuelle Ă mes histoires (ou me faire croire que cette Ă©paisseur existe) : le DĂ©mon-Blanc, câest surtout la relation entre un esclave no-filter, qui nâen fait quâĂ sa tĂȘte, et un prince coincĂ©, au premier abord infect, mais Ă la droiture admirable.
Câest du slow-burn, comme on dirait de ce cĂŽtĂ©-ci de la Manche, mais aussi un pseudo enemies-to-lovers.
(Au fait, jâexplique les ingrĂ©dients de la romance gay dans ce podcast ou dans mon jardin numĂ©rique.)
Câest grinçant, ce nâest pas toujours politiquement correct, ça ne plaira pas Ă tout le monde (surtout pas Ă la Police de la PuretĂ© qui sĂ©vit sur Twitter), mais jây prends un plaisir fou.
Câest 100% gay, 100% woke7, 100% me.
Et ce plaisir-lĂ , dear Reader, câest ce qui me permet de me rĂ©veiller aux aurores pour avancer, au lieu de
pioncer,
fantasmer sur mon petit War,
ou re-regarder des Ă©pisodes de His Man.
Mon obsession du moment : His Man
Pour commencer, je dois avouer quelque chose : les Ă©missions de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© et moi-mĂȘme, on ne fait pas bon mĂ©nage.
Mon dernier souvenir en la matiĂšre remonte Ă cette fameuse nuit oĂč Jean-Edouard a fait des choses peu recommandables avec Loana dans le jacuzzi.
Pour les plus jeunes, câĂ©tait le 26 avril 2001. (Comment ça, tu nâĂ©tais pas encore nĂ©.e ?)
Adolescent, jâai regardĂ© Loft Story avec fascination pendant quelques semaines, puis jâai Ă©teint la TV et je suis allĂ© lire un Diana Gabaldon (Jamie Fraser est quand mĂȘme plus sexy que J-E) ou un Mercedes Lackey (Vanyel me donne encore des vapeurs, rien que dây penser).
Quelques annĂ©es plus tard, jâai regardĂ© Unreal, comme tout le monde, qui montrait, sous couvert de la fiction, les coulisses dâune Ă©mission semblable Ă The Bachelor.
Sans trop spoiler (pardon: divulgĂącher), câĂ©tait vraiment ugly.
Il a fallu attendre aoĂ»t 2022 pour que je connaisse une Ă©piphanie, certainement de la mĂȘme intensitĂ© que lorsque jâai dĂ©couvert le monde des Youtubeurs au dĂ©but de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente.
Tremblement de terre niveau 8 sur lâĂ©chelle de Daumier8.
Mon problĂšme avec la tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ©, câĂ©tait pas, comme je lâavais cru jusquâalors, que tous les candidats Ă©taient dĂ©biles et que regarder un Ă©pisode revenait Ă perdre la moitiĂ© de ses neurones.
Non, non.
La raison principale : on nây montrait que des candidats hĂ©tĂ©ros, faisant des trucs dâhĂ©tĂ©ros.
Full disclaimer : Je nâai rien contre les hĂ©tĂ©ros. Je respecte leurs choix de vie. Dâailleurs, jâai moi-mĂȘme quelques amis qui le sont
(et accessoirement, mes parents le sont aussi - hi Mummy, love you! đ).
His Man, câest tout ce que jâattendais sans le savoir. Mais il a fallu une boĂźte de prodâ corĂ©enne pour concocter ce plat dĂ©licieux.
Et je pense aussi que la provenance de cette nourriture9 explique pourquoi je trouve ce dating show ABSOLUMENT fascinant.
Le pitch est simple : pendant une semaine, on regroupe quelques gays sous un mĂȘme toit afin quâils trouvent lâamour.
Si lâĂ©mission avait Ă©tĂ© tournĂ©e en Occident, je te parie que, dĂšs le premier soir, cette maison serait devenue un baisodrome de premier ordre (avec ou sans jacuzzi).
La pudeur naturelle des CorĂ©ens fait quâils ne parleront pas de sexe (on pourrait presque croire que ça nâexiste pas chez euxâŠ10). AprĂšs avoir vu 9 Ă©pisodes, je ne sais toujours pas qui est actif, passif ou versatile. Ce qui est, pour un gay, bien plus vital que connaĂźtre le prĂ©nom ou la profession des gars, nâest-ce pas ?
Du coup, sâils ne parlent pas de q, de quoi parlent-ils ? Eh bien, de sentiments ! Que font-ils ? Ils tombent amoureux.
Bam, lâĂ©crivain de romance que je suis sâest pris une claque magistrale.
Il existe des Ă©missions de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© qui ne sont pas hyper-sexualisĂ©es, oĂč le storytelling (= lâart de raconter des histoires) est sobre, cute, touchant, et ne sâavilit pas en tombant dans le drama Ă outrance.
Donât get me wrong.
His Man, par le choix de ce qui est montrĂ© et de ce qui ne lâest pas, nous manipule du dĂ©but Ă la fin, joue avec nos sentiments et se joue de notre besoin dâinterprĂ©tation (âChang-min, pourquoi est-ce que tu dĂ©cides de partager ta chambre avec Jun ? Hein, pourquoiii ? Mais quâest-ce que ça veut diiiire ?â).
Toutefois, le show sait se satisfaire de lâinconstance des sentiments humains, de lâindĂ©cision des candidats en matiĂšre dâamour, pour nous offrir de jolis moments de tĂ©lĂ©vision.
OĂč mĂšne une telle obsession ?
Tu ne devras pas tâĂ©tonner si, dans quelques mois, quand jâaurai terminĂ© lâĂ©pisode 2 du DĂ©mon Blanc, je dĂ©cide de retourner au genre de la romance contemporaine rĂ©aliste afin dâĂ©crire ma version dâun dating show gay.
Good-bye Seoul, hello Sheffield!
Dans ma tĂȘte, ça commence Ă bouillonner dâidĂ©es, quelques personnages de Tendres Baisers veulent (re)faire une apparition, le format se dĂ©finit petit Ă petit. Des envies dâĂ©criture feuilletonnante Ă©mergent.
Il est encore trop tĂŽt pour savoir si ce projet verra vraiment le jour (tu sais, je prends souvent la fuiteâŠ)
Mais moi, en tout cas, jâai vu la lumiĂšre.
Merci His Man !
Tu comprends, il fallait que je partage cette joie avec toi ! Et toi, quelle est ta derniĂšre dĂ©couverte qui tâa vraiment enthousiasmĂ©.e ?
Viens me le dire par retour de mail, sur Twitter ou sur Substack :
See you soon for a shorter newsletter (I swear).
Enzo
Deux semaines, pour la girouette que je suis, câest de la longue durĂ©e.
Cette newsletter est sponsorisée par la figure de style Hyperbole, pourvoyeuse de moments intenses depuis plus de 2500 ans.
Grosso modo traduisible par : dans quel pétrin est-ce que je me suis mis volontairement ?
The Untamed est adaptĂ© du roman ééç„ćž (MĂł DĂ o ZÇ ShÄ«), de Mo Xiang Tong Xiu, traduit en anglais par âGrandmaster of Demonic Cultivationâ - le Grand MaĂźtre de la Cultivation DĂ©moniaque. Un jour, je te parlerai plus avant de ce quâest le Danmei et des codes de ce genre.
Lâassociation d'idĂ©es (un peu tordue) est la suivante :
Le cultivateur, câest pas un paysan.
On peut cultiver dâautres trucs que la terre. (MĂȘme en français.)
Dans les manuels scolaires de latin, comme tu le sais (oui, tu le sais), on trouve lâexpression virtutem colere, cultiver la vertu.
Et quand on cultive la Vertu, on mĂ©rite de sâappelerâŠ
un Vertueux.
VoilĂ . Logique imparable.
Tout cela afin de crĂ©er de toute piĂšce la pensĂ©e/philosophie dominante de lâEmpire serien. Je crois que ça donne une saveur particuliĂšre aux paroles des protagonistes.
Et si mon texte permet, Ă sa petite Ă©chelle, de dĂ©centrer le regard du lecteur, de lui permettre de voir le monde sous un autre angle que celui du capitalisme moribond, eh bien, câest tant mieux. Câest, aprĂšs tout, lâun des objectifs des littĂ©ratures de lâimaginaire.
Le propre de la culture queer, câest de savoir rĂ©cupĂ©rer les insultes. Ătre âwokeâ, câest faire preuve de dĂ©cence et dâouverture dâesprit, câest soutenir ceux qui sont dans les marges, sont minorisĂ©s, câest faire en sorte quâils soient traitĂ©s avec dignitĂ©.
Eh bien, je suis fier dâĂȘtre woke. Et tu peux lâĂȘtre aussi.
Toi qui as lu mon roman Le Youtubeur, tu sais déjà comment cette histoire va se terminer.
Mes mĂ©taphores ne sont pas Ă prendre au pied de la lettre (comme toutes les mĂ©taphores, dâailleurs, quand on y pense).
Je ne veux pas dire que ces candidats sont de la viande que je souhaiterais consommer.
Dâune part, je suis vĂ©gĂ©tarien ; dâautre part, ils habitent Ă lâautre bout du monde. Vouloir assouvir ce dĂ©sir nâest pas trĂšs environment-friendly.
Quant à celleux qui me feront remarquer que je suis marié⊠comment vous dire ?
Bon, alors, je confirme : ça existe bien chez eux. Ils sâaffichent juste moins, surtout Ă la TV. Ils ont peut-ĂȘtre fait des choses sous la couette (who am I to judge?), mais les camĂ©ras ont pudiquement dĂ©tournĂ© le regard.