La vue depuis les marges

Share this post

Lexique irrĂ©vĂ©rencieux de l’homoromance

enzodaumier.substack.com

Discover more from La vue depuis les marges

Les tribulations d’un auteur queer dans le monde.
Continue reading
Sign in

Lexique irrĂ©vĂ©rencieux de l’homoromance

OĂč Enzo a fait pousser la moustache et se fait passer pour Robert

enzo daumier đŸłïžâ€đŸŒˆ
Sep 11, 2023
Share this post

Lexique irrĂ©vĂ©rencieux de l’homoromance

enzodaumier.substack.com
Share

Avant de t’embarquer pour un voyage extraordinaire dans le milieu de l’homoromance (d’ailleurs, j’attends toujours de savoir ce dont tu veux que je te parle !), je tiens Ă  m’assurer que tu disposes du vocabulaire nĂ©cessaire pour survivre Ă  ce pĂ©riple.

J’ai compilĂ© une liste de mots et d’expressions que l’on entend souvent sur les rĂ©seaux sociaux. L’exactitude des dĂ©finitions est loin d’ĂȘtre garantie. On m’appelle Enzo, pas Robert


So long!

P’Enzo

Merci de lire ‘La vue depuis les marges’. Si tu aimes, partage autour de toi !

Share


  • Antifan

De l’amour Ă  la haine, il n’y a qu’un pas que l’antifan a vite franchi. HĂ©ros de nos temps troublĂ©s, l’anti (de son petit nom) rĂ©introduit un peu de bon sens dans les pratiques dĂ©lirantes de ses congĂ©nĂšres fans. Il est ce que le ying est au yang, le blanc au noir ou Kylie Minogue Ă  la jeunesse.

Il incarne aussi un principe identifiĂ© au milieu des annĂ©es 2010 par l’anthropologue Taylor Swift dans son essai sĂ©minal Shake it off : « And the haters gonna hate, hate, hate, hate, hate. »

Ce petit lexique n’a pas Ă©tĂ© rĂ©digĂ© par un antifan contrairement Ă  ce que l’on pourrait croire.


  • Bias

Terme anglais issu du vocabulaire de la fan culture et de la k-pop signifiant le membre prĂ©fĂ©rĂ© d’un groupe.

Nul doute que cette expression, difficilement prononçable en français, pourrait s’appliquer au casting des sĂ©ries BL
 et en particulier, Ă  la sĂ©rie Only Friends (en cours de diffusion).

À la question, « quel est ton bias ? », aucune rĂ©ponse de biais n’est acceptĂ©e. Sans la moindre hĂ©sitation, il te faudra rĂ©pondre : Mark Pakin Kunaanuwit dans le rĂŽle de Nick.

Popping the cherry by the swimming pool. Mark aka Nick.

Autres réponses acceptables : First Kanaphan Puitrakul dans le rÎle de Sand ou Khaotung Thanawat Ratanakitpaisan dans le rÎle de Ray.

Attends, je te la remets en place. First et Khaotung aka Sand et Ray.

(La seule hĂ©sitation acceptable, c’est quand tu prononces ces noms, Ă©videmment.)


  • BL (Boys’ Love)

Un ensemble de crĂ©ations artistiques ayant pour questionnement principal : « c’est qui qui fait la meuf ? »

Enfant illĂ©gitime du capitalisme et de l’hĂ©tĂ©ronorme, le BL est Ă©crit par des femmes pour des femmes. À l’occasion antifĂ©ministe, il perpĂ©tue de nombreux clichĂ©s sur la vie sexuelle et amoureuse de ces « hommes qui le font avec d’autres hommes ».

Le succĂšs de ce genre ne cesse d’étonner.

Les pĂ©dants s’affolent du fait que l’orthographe de cette expression anglaise ne semble pas avoir Ă©tĂ© fixĂ©e : boys’ love ? boy’s love ?

Les pĂ©dĂ©s, quant Ă  eux, ne se souciant pas de la place de l’apostrophe, ne s’intĂ©ressent qu’à la nuditĂ© des acteurs (pour les sĂ©ries) et la taille des pĂ©nis (pour les mangas). Il est prĂ©fĂ©rable de rĂ©gler ce problĂšme en abrĂ©geant boy’s love/boys’love en BL.


  • Danmei (耜矎)

C’est l’équivalent chinois du yaoi japonais, du BL international, du Y thaĂŻlandais ou du MM amĂ©ricain. LĂ  encore, par des femmes pour des femmes. Les personnages sont principalement habillĂ©s de robes blanches flottantes, leur visage a une beautĂ© troublante et ils aiment la discrĂ©tion la plus absolue (c’est pourquoi ils passent tous par la porte de derriĂšre).

Le danmei est une importation japonaise. On date sa pĂ©nĂ©tration dans le marchĂ© chinois au dĂ©but des annĂ©es 1990. Le succĂšs (et le plaisir) est immĂ©diat
 mais il faut attendre la fin des annĂ©es 2010 pour que ces histoires soient adaptĂ©es pour le petit Ă©cran, souvent censurĂ©es comme il se doit.

Si vous ne devez retenir qu’un seul danmei, c’est Ă©videmment The Untamed (陈情什), adaptĂ© du roman de fantasy (xianxia) Mo Dao Zu Shi (Le Grand Maitre de la Cultivation DĂ©moniaque) de Mo Xiang Tong Xiu.

The Untamed 陈情什 – For the Love of Drama
Je sais Ă  quoi tu penses coquinou. Xiao Zhan dans le rĂŽle de Wei Wuxian.

Dans ce cas prĂ©cis, ton bias, c’est Ă©videmment le beau Xiao Zhan (肖战) qui joue le rĂŽle de l’espiĂšgle Wei Wuxian. Tu as le droit d’ĂȘtre l’antifan de son partenaire Ă  l’écran, Wang Yibo (王侀捚), qui a le mĂȘme charisme qu’une huitre (je sais, je suis injuste, les huitres sont plus expressives).


  • Fan service

It’s not real, people.


  • Fudanshi (è…ç”·ć­)

Aussi improbable que cela soit, c’est l’équivalent masculin de la fujoshi. Improbable, dis-je, car les hommes sont des ĂȘtres purs qui ne sauraient lire ces histoires vicieuses d’amour entre hommes. Surtout si ces hommes-lĂ  sont hĂ©tĂ©ros, car les hommes qui lisent du BL ne sont pas tous homosexuels, me dit-on (on sait comment ça va finir, hein).


  • Fujoshi (è…ć„łć­)

SurnommĂ©e la « fille pourrie », l’amatrice de BL est assez mal considĂ©rĂ©e par la sociĂ©tĂ©. Peut-ĂȘtre parce qu’elle est responsable d’un crime contre l’humanité : la fĂ©tichisation des gays (et des bis).

Que nos sociĂ©tĂ©s patriarcales aient pu Ă©hontĂ©ment fĂ©tichiser le corps des femmes pendant des siĂšcles ne justifiera jamais que les femmes puissent faire de mĂȘme avec les hommes, n’est-ce pas ?

Le mot, d’origine japonaise, s’est rĂ©pandu dans toute l’Asie. Il est fort possible que le sens ait aussi Ă©volué : « foutez-nous la paix, les mecs » semble ĂȘtre sa dĂ©finition actuelle.


  • GL (Girls’ Love)

La parente pauvre de l’homoromance.

Si les femmes hĂ©tĂ©ros aiment voir des hommes s’intĂ©resser aux portes de derriĂšre et exprimer leur fĂ©minitĂ© dans des rĂŽles-clichĂ©s bien prĂ©cis, elles ne semblent pas aussi chaudes quand il s’agit d’histoires d’amour entre femmes. Maybe it is too close to home? Who knows.

Si le BL est fait par des femmes pour des femmes, n’allez pas croire que le GL est fait par des hommes pour des hommes (non, ça, ça s’appelle l’Art et vous en trouverez partout dans les musĂ©es).

Le GL s’intĂ©resse Ă  cette question, que finalement peu de gens se posent : « mais c’est qui qui fait l’homme ? ».

L’autre interrogation, promue par les communautĂ©s du yoga, du bricolage et de la papeterie, est la suivante : « le ciseau, c’est pour de vrai ? ».


  • GMM TV

Si la CorĂ©e du Sud a sa vague (hallyu), la ThaĂŻlande a son vent (Thai Wind ou T-Wind)
 et le moteur principal de ce vent, c’est GMMTV, qui produit depuis quelques annĂ©es un nombre impressionnant de BL pour la tĂ©lĂ©vision. Pour n’en citer que quelques-uns : Only Friends, Only Friends, Only Friends.

Un joyeux bordel : Only Friends.

  • HEA & HFN

AbrĂ©viations anglaises employĂ©es par commoditĂ©. L’équivalent français est, pour HEA, EIVHEEBDE (Et ils vĂ©curent heureux et eurent beaucoup d’enfants) et, pour HFN, CMDBPFSQCFB (Cinq minutes de bonheur pour faire style que ça finit bien)
 On sait quelles abrĂ©viations l’AcadĂ©mie Française nous forcera Ă  utiliser.

Happy Ever After, c’est la promesse que le couple restera ensemble pour toujours et s’appliquera Ă  procrĂ©er jusqu’à la fin (que personne ne leur dise que ça ne fonctionnera pas, s’il vous plait — tant d’enthousiasme Ă  s’envoyer en l’air mĂ©rite notre silence le plus respectueux).

Happy For Now, c’est une fin lĂ©gĂšrement plus rĂ©aliste oĂč l’on conçoit que le bonheur Ă©ternel n’existe pas et qu’il faut donc arrĂȘter de dĂ©conner. ÉpuisĂ©s par toutes les Ă©preuves qu’ils ont dĂ» traverser, les deux hommes se posent un peu pour souffler deux secondes : c’est ça, la fin heureuse. En rĂ©alitĂ©, on se fiche des protagonistes, seules les lectrices et leur satisfaction Ă©goĂŻste importent ici.

Un petit rappel pour les ignorant·es : l’homoromance finit toujours bien. Quand ça finit mal, ce n’est pas de l’homoromance, c’est de la littĂ©rature LGBTQ+.


  • MM

Alternative : MLM (pour men loving men)

Nom donnĂ© Ă  l’homoromance dans les pays anglophones et, par extension, les pays francophones. Terme en concurrence avec le mot BL.

Une preuve supplĂ©mentaire que les wokes ne seront pas satisfaits avant d’avoir utilisĂ© toutes les lettres de l’alphabet.


  • Sasaeng (ì‚ŹìƒíŒŹ)

Un peu de corĂ©en ne nous fera pas de mal (si, si, je t’assure).

Ce qui est certain, c’est que la fan sasaeng ne manque pas d’enthousiasme
 Son respect pour la vie privĂ©e des stars qu’elle idolĂątre peut ĂȘtre discutable, mais qui sommes-nous pour juger de ces extrĂ©mistes qui se battent au quotidien pour que « fan » retrouve son sens d’origine, Ă  savoir une variation abrĂ©gĂ©e de « fanatique » ?

Les sasaeng habitent aussi la communautĂ© du BL. Elles semblent confondre fan service et rĂ©alité  et s’offusquent que ces acteurs qui jouent dans des BL/GL puissent avoir des relations amoureuses avec des membres du sexe opposĂ© (I know, outrageous).

Les sasaeng sont donc des puristes du fantasme, et, Ă  ce titre, mĂ©ritent tout notre respect. Il n’est pas facile d’ĂȘtre Ă  ce point dĂ©connectĂ© de la rĂ©alitĂ©. Chapeau bas.

(Et si vous souhaitez savoir pourquoi je genre cette dĂ©finition entiĂšrement au fĂ©minin, c’est parce que je pratique la misogynie, suivant en cela les dictats de notre sociĂ©tĂ© patriarcale. You’re welcome.)


  • Seme/Uke

Que celleux qui doutent que le BL soit l’incarnation parfaite de l’hĂ©tĂ©ronormativitĂ© dĂ©guisĂ©e n’aillent pas plus loin.

La majoritĂ© de la production suit un schĂ©ma tellement dĂ©connectĂ© de la rĂ©alitĂ© qu’on ne saurait l’apprĂ©cier ailleurs que dans les romances.

Dans le BL, il faut toujours qu’il y ait un seme (le top, le dominateur, l’inserteur de pĂ©nis, bref, l’homme, le vrai) et un uke (celui qui fait la femme et qui se tape tous les clichĂ©s qu’on peut avoir dans notre sociĂ©tĂ© patriarcale : il est chĂ©tif, craintif, aime faire le mĂ©nage et pleure, car tu comprends, il a des Ă©motions, lui).

Uke & Seme-( ͥ° ͜ʖ ͥ°) ( ͥ° ͜ʖ ͥ°) ( ͥ° ͜ʖ ͥ°) ( ͥ° ͜ʖ ͥ°)-☆ Sakura ☆
Une histoire de papillons. (Source.)

La diffĂ©rence est tout autant physique que psychologique : on n’a jamais vu un petit seme gringalet dans un BL. Ce qui veut dire que tu n’as pas besoin de rĂ©flĂ©chir quand tu regardes un BL : si le gars fait une tĂȘte de plus, c’est lui qui va frapper Ă  la porte de derriĂšre de son partenaire. Ce dernier, immanquablement et invariablement (j’insiste), jouera le rĂŽle de la vierge effarouchĂ©e ou de la bombasse respectable.

Le consentement entre le seme et l’uke est Ă  gĂ©omĂ©trie variable, mais, osef, car ils s’aiment.


  • Ship

Oui, je sais, ce serait presque une insulte que d’introduire ce mot
 car tout le monde sait que ship, c’est le bateau.

Celui ou celle qui met deux acteurs (ou deux personnages) dans le mĂȘme bateau, c’est le shippeur ou la shippeuse.

Le ship est fictif (comme le fan service d’ailleurs, on ne le rĂ©pĂštera jamais assez) : si les deux acteurs sont rĂ©ellement ensemble, ce n’est pas un ship, c’est la rĂ©alité 

Évidemment, le problĂšme, c’est qu’on ne sait pas qui est avec qui et qui ne l’est pas, qui est gay et qui est hĂ©tĂ©ro. Bref, le BL, c’est souvent le bordel. VoilĂ  pourquoi il ne faut pas s’étonner si les sasaeng perdent le sens de la rĂ©alitĂ©.


  • Stan (verbe)

Moi, je ne stan personne. Si tu stan, c’est que tu es un·e sasaeng. C’est mal.

C’est d’autant plus mal que tu ne conjugues pas le verbe en français et que tu devrais avoir honte.

Stan, en anglais, dĂ©signe le comportement excessif d’un·e fan
 Le capitalisme aime quand les fans stan, parce qu’ils dĂ©pensent sans retenue et achĂštent les objets les plus dĂ©biles qui soient (lightsticks, anyone?).

Vivement que l’AcadĂ©mie Française propose un Ă©quivalent français convenable Ă  ce verbe de l’excĂšs, car si je lis encore « qui c’est que tu stan ? » sur Twitter, je risque de me transformer en antifan.


  • Yaoi (やおい)

Le mot que personne ne sait prononcer, Ă  part les Japonais·es peut-ĂȘtre.

YaoĂŻ-oĂŻ-oï ? ou Ya-oh-hiiiii ? Le mystĂšre demeure entier. Et notre fiertĂ© toute gauloise nous empĂȘche de demander au Japon comment prononcer ce terme importĂ©.

Mais ne nous plaignons pas, nous aurions pu hĂ©riter de boizu rabu (ăƒœăƒŒă‚€ă‚ș ăƒ©ăƒ–) comme terme, et nous n’aurions pas rigolĂ©.

Le yaoi est apparu dans les annĂ©es 1970 et a, depuis, conquis le monde entier. C’est Ă  lui que l’on doit tous les clichĂ©s les plus exaspĂ©rants du BL, dont on parvient Ă  peine Ă  se dĂ©barrasser cinquante ans plus tard. Il existe de nombreux sous-genres que nous explorerons certainement dans une newsletter Ă  venir.

Seule la production japonaise mĂ©rite d’ĂȘtre qualifiĂ©e de yaoi.

Je sais, ça fait un peu puriste, mais si on n’indique pas clairement les limites Ă  ne pas franchir, les gays finiront par ĂȘtre eux-mĂȘmes qualifiĂ©s de yaoi.

Et le jour oĂč ça arrivera, tous les versatiles (ceux qui ne veulent ĂȘtre ni le seme ni l’uke, ceux qui aiment donner autant que recevoir, ceux qui aiment ĂȘtre au-dessus comme au-dessous), seront dans la m**** (I mean, more than usual).


Ai-je oublié des mots ?

Au nom de la science, fais-moi le savoir !

Leave a comment

Share this post

Lexique irrĂ©vĂ©rencieux de l’homoromance

enzodaumier.substack.com
Share
Comments
Top
New

No posts

Ready for more?

© 2023 enzo daumier/d.k.n
Privacy ∙ Terms ∙ Collection notice
Start WritingGet the app
Substack is the home for great writing