
Discover more from La vue depuis les marges
Tu peux trouver la version éditée complÚte de ce journal sur mon site internet.
La version intĂ©grale (fautes et anglicismes inclus) est disponible dans mon jardin numĂ©rique, Sylves. La publication sây fait au jour le jour.
Au fait, jâemploie le fĂ©minin gĂ©nĂ©rique.
So long!
Enzo
Mardi 31 janvier
Je dĂ©couvre aujourdâhui lâexistence du plus vieux poĂšme lesbien en langue Ă©cossaise, datĂ© du XVIe siĂšcle. Le poĂšme 49 du Maitland Quarto, certainement Ă©crit par Marie Maitland.
Lâarticle dĂ©cortique les mĂ©canismes de lâhĂ©tĂ©ronormativitĂ© Ă lâĆuvre, aussi bien dans lâĂ©criture du poĂšme que dans sa rĂ©ception. Lâuniversitaire montre comment un poĂšme qui dĂ©crit clairement une passion lesbienne est interprĂ©tĂ©, durant des siĂšcles, comme Ă©tant un banal poĂšme sur lâamitiĂ© entre deux femmes.
En la lisant, on comprend facilement comment, encore de nos jours, lâamour queer est invisibilisĂ©, dĂ©classĂ© au rang de la simple amitiĂ©. Les exemples abondent et le Twitter queer les relĂšve assez souvent : on dirait une running joke (la « trĂšs bonne amie » de machine, les « colocataires » de la Villa dei Vettii, etc.). Imaginer quâil puisse y avoir davantage quâune simple amitiĂ© sent encore le soufre.
Mercredi 1er février
Ăvidemment, nous autres queers, nous nous voyons partout dans le passé⊠mais si la sociĂ©tĂ© commençait Ă nous y voir aussi, peut-ĂȘtre que nous cesserions de nous projeter quand ce nâest pas nĂ©cessaire.
Car il est vrai que les amitiĂ©s masculines ou fĂ©minines ne sont pas toujours des amours homosexuelles, et que les codes du passĂ© ne sont pas ceux du prĂ©sent : lâaffection en public entre deux amies nâest pas obligatoirement le signe dâune passion homosexuelle. Ce qui est louche aujourdâhui (ce qui titille notre gaydar) ne lâĂ©tait peut-ĂȘtre pas plusieurs siĂšcles plus tĂŽt.
Mais nous ne pourrons pas avoir un discours sain sur le passĂ© (si tant est que ça soit seulement possible) si nous ne nous dĂ©barrassons pas des euphĂ©mismes mis en place par le XIXe siĂšcle bourgeois et perpĂ©tuĂ©s durant le XXe siĂšcle. Une « amie » (wink, wink) nâest pas une amie, câest une amante.
Jeudi 2 février
Mes morning pages me donnent la clartĂ© nĂ©cessaire pour avancer mes projets au quotidien. Je ne les utilise pas comme Julia Cameron le prĂ©conise ; ma page nâest pas une dĂ©charge oĂč je dĂ©verse tout ce qui encombre mon esprit. Sans filtre.
Je le fais parfois, Ă©videmment, mais je prĂ©fĂšre orienter mes pensĂ©es, prendre le temps de trouver des solutions et circonscrire ma nĂ©gativitĂ© et mon misĂ©rabilisme naturels. Ăa fait du bien de se plaindre, mais je ne veux pas entretenir ces voies neurales : les morning pages peuvent trĂšs vite renforcer certaines pensĂ©es nĂ©gatives.
Ces pages Ă©crites au rĂ©veil sont devenues une sorte de thĂ©rapie lĂ©gĂšre, oĂč je me force Ă voir mes « problĂšmes » sous un angle plus positif, ou, en tout cas, diffĂ©rent. Câest certainement la seule contrainte que je mâimpose. Pour le reste, ça part dans tous les sens ; ça suit le fil de mes pensĂ©es ; câest Ă©crit dans un franglais bourrĂ© de fautes ; et ce nâest pas destinĂ© Ă ĂȘtre relu par moi ni Ă ĂȘtre partagĂ© avec dâautres.
Si un jour, je fais un feu de joie, ces morning pages seront les premiÚres à partir en fumée.
Vendredi 3 février
Lors des jours de grand vent, mes deux chattes passent des heures entiĂšres Ă la fenĂȘtre du salon Ă regarder les feuilles sâenvoler dans le jardin. DĂšs que ces derniĂšres menacent de sâĂ©craser contre la fenĂȘtre, Lou & Mercutio se prĂ©cipitent Ă leur tour, semblant oublier quâune vitre les sĂ©pare constamment du monde extĂ©rieur. Bim, bam, boum. Câest un vacarme sans fin. Mais le rĂ©sultat est toujours le mĂȘme : les feuilles se dĂ©robent, la vitre ne cĂšde pas ; meurtries, mes fĂ©lines se remettent immĂ©diatement en position en espĂ©rant que la prochaine foisâŠ
*
Je les regarde faire avec une attention mi-moqueuse, mi-incrĂ©dule. Combien de temps leur faudra-t-il avant de tirer les leçons qui sâimposent ? Elles nâont jamais pu attraper une seule feuille de cette maniĂšre. Pourquoi perdre leur Ă©nergie de la sorte ? Pourquoi faire preuve dâune telle assiduitĂ© quand leur expĂ©rience de la rĂ©alitĂ© leur a dĂ©montrĂ© que lâĂ©chec Ă©tait inĂ©vitable ?
Quand Mercutio heurte violemment la fenĂȘtre avec tout le sĂ©rieux dâun chat concentrĂ© sur sa proie, je ne peux mâempĂȘcher de ricaner⊠jusquâĂ ce que je me rappelle que je ne suis guĂšre diffĂ©rent de lui. Nâai-je pas achetĂ© Ă lâinstant mon billet de loterie hebdomadaire ?
Samedi 4 février
« Je nâĂ©cris ni de la mĂȘme maniĂšre ni la mĂȘme chose quand je suis reposĂ© ou quand jâai mal Ă la tĂȘte, quand je suis au clavier de mon MacBook ou celui de mon iPad. »
â La mĂ©canique du texte, de Thierry Crouzet
*
Mon style Ă©tait plus travaillĂ© quand jâĂ©crivais sur du papier. Il fallait former sa phrase dans sa tĂȘte ; elle Ă©tait dĂ©jĂ Ă©ditĂ©e plusieurs fois avant que les mots ne soient couchĂ©s sur les pages du carnet. Le clavier change notre rapport aux mots et aux idĂ©es : on les essaye Ă mesure quâon les conçoit. Si ça ne fonctionne pas, on efface un bout et on recommence.
Mes notes sont le plus souvent manuscrites : je me souviens mieux de ce que jâĂ©cris Ă la main. Mes textes plus longs sont Ă©crits sur ordinateur ou sur lâiPad (comme ce journal).
Pour la poĂ©sie, je retourne au papier : je prĂ©fĂšre rĂ©introduire de la friction dans mon processus crĂ©atif et prendre mon temps. (Taper un poĂšme court Ă lâordinateur me donne une occasion de lâĂ©diter Ă nouveau. Sâil Ă©tait long, peut-ĂȘtre le premier jet se ferait-il sur lâordi.)
En fin de compte, lâoutil le plus adĂ©quat est celui qui permet dâobtenir le plus de son Ă©criture en investissant le moins (dâeffort) possible.
Dimanche 5 février
« Le travail devrait dâailleurs former sa propre rĂ©compense
. Ce qui compte, câest le processus avant le rĂ©sultat, car on ne pratique QUE le processus, et se concentrer sur le rĂ©sultat, lâaccueil, la publication, câest se tromper fondamentalement de jeu. » (Lionel Davoust)
*
AprĂšs ĂȘtre passĂ©e par lâĂ©cole et lâuniversitĂ©, est-il possible dâarriver Ă lâĂ©criture parce quâon aime le processus ? Souvent, lâapprentissage formel quâon a reçu nous fait dĂ©tester la pratique elle-mĂȘme. Il nous faut des annĂ©es pour rĂ©introduire de la joie lĂ oĂč lâon nous a souvent dit quâil ne devait y avoir que de la souffrance.
Je suis venu Ă lâĂ©criture pour les mauvaises raisons : the end-result, la publication, la gloire qui couronne le front ensoleillĂ© des autrices (câest en tout cas ce quâon sâimagine quand on est lectrice, mĂ©connaissant la rĂ©alitĂ© du mĂ©tier).
Durant de nombreuses annĂ©es, jâai dĂ©testĂ© Ă©crire, mais jâadorais avoir Ă©crit. Jâadorais lâidĂ©e dâĂ©crire.
Mais rĂȘver dâĂ©criture nâest pas Ă©crire. On ne devient Ă©crivaine quâen Ă©crivant.
Petit Ă petit, jâai me suis efforcĂ© de prendre davantage de plaisir Ă lâĂ©criture elle-mĂȘme. Pour cela, je me suis mis Ă la romance, jâai introduit des protagonistes gays ; jâai dĂ©cidĂ© dâĂ©crire comme jâen avais envie et non pas comme on me demandait (/je me demandais) de le faire.
Pourquoi se torturer et ĂȘtre malheureuse ? Nous nâavons quâune vie ; il nây a pas de seconde chance. LâĂ©panouissement est impossible Ă trouver quand nous agissons pour les mauvaises raisons.
Lundi 6 février
AprĂšs un retour Ă Twitter, voilĂ que Lionel Davoust est de retour sur Facebook. Les arguments quâil avance sont tous valables (et mĂȘme sâils ne lâĂ©taient pas, peu importe, câest son choix ; il fait ce quâil veut de sa vie).
Deux points importants dans ce quâil dit :
1) les rĂ©seaux sociaux ne sont pas un bon outil de promotion de son Ćuvre (ce qui me semble juste et Ă©vident pour les autrices publiĂ©es dans lâĂ©dition traditionnelle, mais qui pose un problĂšme pour les auto-Ă©ditĂ©es sur lequel il faudra se pencher un jour) ;
2) les rĂ©seaux sociaux sont⊠eh bien, sociaux, ils fournissent une occasion inestimable dâĂȘtre en contact avec dâautres autrices et professionnelles de lâĂ©criture. Le mĂ©tier dâautrice est solitaire ; il vaut mieux sâentourer le plus possible Ă la moindre occasion, au risque de dĂ©pĂ©rir.
Mardi 7 février
Si lâon veut mener une vie heureuse (eudaimonic life), il faut ĂȘtre bien entourĂ©e. La solitude, nous dit-on, est mauvaise pour la santĂ©.
Robert Waldinger fait remarquer que les rĂ©seaux sociaux ne sont bĂ©nĂ©fiques que lorsquâon y est active, câest-Ă -dire quand on crĂ©e du lien, quâon Ă©change, quâon cause, quâon sâentraide. Une consommation passive nuit Ă son bien-ĂȘtre (ce que mon expĂ©rience personnelle semble confirmer).
Notre gĂ©nĂ©ration est la premiĂšre Ă devoir dĂ©velopper des compĂ©tences nouvelles afin de gĂ©rer la vie sur les rĂ©seaux sociaux : getting a thick skin, bloquer les fĂącheuses, prendre un recul critique sur ce que lâon consomme, accepter que les autres ne partagent pas les mĂȘmes avis, comprendre que son attention est un bien prĂ©cieux, car limitĂ©, et agir en consĂ©quence.
Câest une question de survie, me semble-t-il. Mais tout le monde ne sait pas quâil faut dĂ©velopper ces skills pour vivre bien.
Il faut dire quâon nâenseigne pas Ă lâĂ©cole la nĂ©cessitĂ© dâavoir une philosophy of life (stoĂŻcisme, Ă©picurisme, bouddhisme zen, etc.), câest-Ă -dire un systĂšme pratique qui nous indique la meilleure façon de mener notre vieâŠ
Ă mesure que le temps passe, je pense, comme William B. Irvine dans A Guide to the Good Life, quâil vaut mieux avoir un systĂšme imparfait, peut-ĂȘtre mĂȘme erronĂ©, plutĂŽt que de ne pas en avoir du tout.
Mercredi 8 février
Damon Suede, lâĂ©crivain de romances gays, explique que, pour concevoir un personnage, il vaut mieux choisir un verbe (ex. dominer) plutĂŽt quâun adjectif (ex. autoritaire). Sur la page, un personnage existe parce quâil agit. Il est moteur de lâaction, il est lâaction elle-mĂȘme.
La premiĂšre fois que jâai entendu son explication, jâai Ă©tĂ© surpris, car tous les discours que lâon trouve sur les personnages parlent de personnalitĂ©s, de psychologies, de leur passĂ©, etc., mais trĂšs peu suggĂšrent de concevoir le personnage Ă travers ses actions⊠alors que lâon sait toutes que, dans une scĂšne, ce qui importe, câest lâaction des personnages â câest-Ă -dire ce quâils y font (ou ne font pas). Lâautrice est souvent une metteuse en scĂšne.
*
MĂȘme si je donne raison Ă Damon Suede, jâaimerais que le roman ne soit pas rĂ©duit Ă un empilement de scĂšnes.
Câest un phĂ©nomĂšne que lâon observe de plus en plus, certainement dĂ» Ă lâinfluence des sĂ©ries TV (un format basĂ© exclusivement sur la scĂšne). Tout nâa pas besoin dâĂȘtre dramatisĂ© dans un roman. La narration, le rĂ©cit sont des outils puissants â câest dâailleurs ce qui fait la force de la littĂ©rature : elle peut rĂ©sumer dix ans en quelques phrases Ă peine ou Ă©voquer le paysage Ă©motionnel dâun personnage en un paragraphe. Elle nâest pas obligĂ©e de montrer. En tout cas, pas de la mĂȘme maniĂšre que les arts visuels.
Jeudi 9 février
Je ne me sens jamais autant en commande de mon Ă©criture que lorsquâelle dĂ©cortique les Ă©tats dâĂąme des personnages. Ă lâoccasion, jâai essayĂ© de me concentrer sur lâaction, sur lâintrigue, etc., de prendre un peu de recul, mais mes histoires ne prennent vie que lorsque jâindique avec prĂ©cision ce que ressent le personnage Ă un moment donnĂ©.
MĂȘme si certaines lectrices nâaiment pas ce genre de rĂ©cit, jâai compris quâil valait mieux que je suive mon instinct. Cela ne veut pas dire que le rĂ©sultat est meilleur en soi, mais plutĂŽt que jâĂ©cris ce que je suis censĂ© Ă©crire.
Je lis tel passage et je me dis : voilĂ , tu as Ă©crit ce que tu voulais dire et de la maniĂšre qui tâest la plus naturelle. La conclusion des Chroniques de Dormeveille est ainsi Ă©crite. De mĂȘme que certains chapitres des Sentiments du devoir (non publiĂ©). Câest dâailleurs aprĂšs avoir Ă©crit cette novella, et en lisant les commentaires de Clara, que jâai compris quâil sâagissait lĂ dâune des forces de mon style, de la raison pour laquelle jâĂ©crivais (dĂ©crire lâintĂ©rioritĂ© de mes personnages).
Vendredi 10 février
Ces derniĂšres annĂ©es, nous avons inventĂ© une nouvelle catĂ©gorie qui gravite dans la sphĂšre LGBTQ+ : celle de lâalliĂ©e.
Je nâattends dâelle quâune seule chose : quâelle trouve mon existence normale et lâaccepte sans sourciller. Je ne souhaite pas quâelle se batte Ă ma place ou quâelle comprenne tous les problĂšmes de toutes les lettres de lâarc-en-ciel. Elle nâest pas nous et nâa pas Ă le devenir. Quand elle nous semble faillir dans sa mission dâalliĂ©e, je lui pardonne ; je ne lui demande pas dâĂȘtre pure dans ses intentions ni ses actes. Je comprends que le monde soit difficile pour chacune dâentre nous, cishet ou queer, et que la perfection ne sây trouve pas.
Parfois, je regrette que cette alliĂ©e me déçoive, quâelle nâagisse pas aussi vertueusement que je le voudrais, mais je refuse les rĂ©criminations, car trĂšs vite, je pourrais perdre de vue qui est lâennemie.
Lâennemie, câest celle qui use de violence contre les membres de ma communauté ; celle qui bat, celle qui tue, celle qui blesse, avec ses poings ou ses mots. Je pardonne Ă lâignorante et Ă lâidiote ; je ne pardonnerai pas Ă celles qui le font avec lâintention de nuire.
Quand tout est utilisĂ© pour nous diviser, nous monter les unes contre les autres, les seules actions acceptables ne sont pas de construire des citadelles, de nous enfermer dans nos ghettos, mais de bĂątir des ponts et de tendre la main, aussi douloureux que cela puisse ĂȘtre Ă lâoccasion.
LâalliĂ©e est imparfaite ; je le suis aussi. Nous irons plus loin, nous serons plus fortes, si nous marchons ensemble, cĂŽte Ă cĂŽte.
Samedi 11 février
« On dit de la MĂ©decine quâelle est un Art ; on le dit aussi bien de la VĂ©nerie, de lâĂquitation, de la conduite de la vie ou dâun raisonnement. Il y a un art de marcher, un art de respirer : il y a mĂȘme un art de se taire. » (Paul ValĂ©ry)
Dimanche 12 février
Depuis que jâai fait le test StrengthsFinder de Gallup, il y a quelques mois, je sais que lâune de mes forces (la number one, pour ĂȘtre exact) est Input.
En toute honnĂȘtetĂ©, je lâavais dĂ©jĂ devinĂ©, mais je nâavais pas un cadre thĂ©orique pour clarifier ce que je sentais confusĂ©ment en moi ou que jâavais pu observer dans mon comportement depuis plusieurs annĂ©es.
Input veut dire que jâĂ©prouve un fort besoin (un besoin vital ?) de collectionner et dâarchiver. Dans mon cas, câest principalement intellectuel : jâaccumule des connaissances et des idĂ©es. Constamment. Food for thought.
Chez dâautres, lâInput peut prendre une forme physique (collection dâobjets) ou sociale (collection dâamitiĂ©s)⊠(Dâailleurs, ma collection de stylos plume trouve certainement ici son explication.)
Je suis productif dans mon Ă©criture quand mon Input est satisfait, câest-Ă -dire quand je suis intellectuellement stimulĂ©. Mes lectures, et plus largement tout le contenu que je consomme, servent de terreau Ă mon inspiration.
JâĂ©prouve quelques difficultĂ©s quand je me limite Ă Twitter. Il y a dix ans, cette plateforme Ă©tait une source merveilleuse dâinformation : les gens partageaient de nombreux articles sur tous les sujets imaginables⊠De nos jours, on ne voit plus cette richesse. La fureur et le bruit lâont remplacĂ©e, en partie parce que lâalgorithme considĂšre que lâinformation doit ĂȘtre un divertissement clivant ; & parce quâil est plus facile de parler de son nombril que de sâintĂ©resser Ă lâimmensitĂ© vertigineuse du monde (passĂ© comme prĂ©sent, voire futur).
Lundi 13 février
Ces derniĂšres annĂ©es, la recherche en psychologie a dĂ©montrĂ© que loin dâĂȘtre figĂ©es, nos personnalitĂ©s Ă©voluent. Nos caractĂšres, bien que façonnĂ©s durant notre jeunesse, ne sont pas gravĂ©s dans le marbre. Avec les efforts nĂ©cessaires, il nous est possible de dĂ©velopper certains traits et dâen attĂ©nuer dâautres. Il en va de mĂȘme avec nos compĂ©tences et nos aptitudes.
Il sâagit lĂ dâune excellente nouvelle, qui devrait nous rĂ©jouir : nous avons lâoccasion jusquâĂ notre dernier souffle de devenir la meilleure version de nous-mĂȘmes, voire, pour celles qui nâaimeraient qui elles sont, une autre personne.
Je suis trĂšs sensible Ă ce qui se dit au sujet du growth mindset, peut-ĂȘtre parce quâĂ beaucoup dâĂ©gards, le mien est encore un peu figĂ©, sclĂ©rosĂ©.
Câest, semble-t-il, le souci des bonnes Ă©lĂšves, celles pour qui les choses venaient facilement et qui nâont jamais eu Ă travailler dur pour dĂ©passer leurs limites. La facilitĂ© ne permet pas de dĂ©velopper le fameux grit, lâendurance. On en vient Ă considĂ©rer que les gens naissent avec des capacitĂ©s dĂ©finies et, quâau mieux, elles passeront leur vie Ă les explorer.
On voit facilement comment cette vision du monde peut nous limiter : si lâon considĂšre que quelque chose est impossible, ça le devient de facto. Pour pouvoir changer, il faut croire que câest faisable.
Mardi 14 février
Le jeu en vaut-il la chandelle ? Notre sociĂ©tĂ© capitaliste voudrait nous faire croire quâil est important de se sacrifier au boulot, que notre utilitĂ© se rĂ©sume à « servir lâĂ©conomie » (do your bit for the Economy!). Il faut donc faire des Ă©tudes « utiles », pas pour soi, mais pour avoir un « bon mĂ©tier », travailler de longues heures, go above and beyond (comme si se limiter Ă ce que son contrat de travail stipule revenait Ă arnaquer lâemployeur), et prendre sa retraite le plus tard possible.
Mais, ces derniĂšres annĂ©es, il est devenu Ă©vident que nous nâobtenons pas les fruits quâon nous avait promis : celles qui bĂ©nĂ©ficient de ce systĂšme et qui ont intĂ©rĂȘt Ă maintenir le statu quo sont de moins en moins nombreuses et de plus en plus riches.
De la mĂȘme maniĂšre que les ministres « servent » lâĂtat, et donc les intĂ©rĂȘts de la nation (en thĂ©orie), lâĂ©conomie devrait servir la sociĂ©tĂ©. La richesse que nous produisons, toujours davantage si nous croyons les statistiques, devrait se retrouver aussi dans nos vies.
Force est de constater que ce nâest pas le cas.
La promesse du XXe siÚcle, celle qui affirmait que chaque génération vivrait mieux que la précédente, est devenue un mensonge en notre jeune XXIe siÚcle.
Devant ce constat, qui a de quoi laisser un goût amer dans la bouche, je comprends pourquoi beaucoup de personnes décident de travailler moins et de chercher leur bonheur ailleurs.
Pour vouloir jouer Ă un jeu, il faut croire que lâon peut gagner. Or, au jeu de la vie, tel que nous le pratiquons actuellement, il nây a mĂȘme plus dâillusion possible : toi, moi et la contemporaine lambda ne pouvons pas sortir gagnantes.
Jeudi 16 février
Depuis 2016, le Royaume-Uni a fait de lâactualitĂ© politique et Ă©conomique un spectacle des plus divertissants et des plus fascinants : câest tellement WTF que tout le monde regarde sans y croire⊠et moins on y croit, plus on regarde.
Cette dĂ©liquescence Ă la tĂȘte de lâĂtat (continuous nervous breakdown) est ce quâil y a de plus dĂ©primant quand on vit dans le pays et quâon doit supporter cette perpĂ©tuelle dĂ©gĂ©nĂ©rescence. Nous sommes devenues tellement accros que nous prenons une joie malsaine Ă voir cette valse de premiĂšres ministres. Self-inflicted pain, encore et encore.
Depuis quelques mois, je me force Ă ne plus lire The Guardian dans le dĂ©tail ; jâai mĂȘme arrĂȘtĂ© dâĂ©couter religieusement The Rest is Politics. Comme je ne peux rien faire face Ă cette folie gĂ©nĂ©ralisĂ©e (je nâai pas le droit de vote, de toute maniĂšre), ça ne sert Ă rien que je me fasse du mal.
Il y a lĂ une leçon qui me semble importante : lâinformation ne mĂ©rite dâĂȘtre connue que si elle nous permet dâagir ; quand elle nous fait du mal et que nous ne pouvons rien y faire, il est lĂ©gitime de ne pas sây intĂ©resser. Le but nâest pas de faire lâautruche, mais de privilĂ©gier sa santĂ© mentale afin de mieux vivre.
Samedi 18 février
Pour essayer de comprendre pourquoi la trilogie du Dernier HĂ©raut-Mage de Mercedes Lackey mâenthousiasme Ă chaque fois que jây repense, jâai dĂ©cidĂ© de relire Magicâs Pawn (La proie de la magie). Il sâagit de ma seconde relecture, la premiĂšre ayant eu lieu Ă lâautomne 2015.
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PubliĂ© en juin 1989, Magicâs Pawn semble en avance sur son temps : le protagoniste est ouvertement homosexuel (« shay'a'chern »).
Faisant Ă©cho Ă notre monde, Valdemar nâest pas un paradis oĂč tout un chacun accepterait lâhomosexualitĂ© de Vanyel (surtout pas son pĂšre !), mais Lackey sâefforce de normaliser le plus possible ses amours.
Elle applique la mĂȘme formule que celle quâelle avait dĂ©veloppĂ©e dans la trilogie des Arrows (1987-88 ; Trilogie des HĂ©rauts de Valdermar en français) : ses romans sont autant des rĂ©cits dâaventures que des romances, ce qui pourrait les inscrire dans le genre de la romantic fantasy.
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Notons que, deux ans plus tĂŽt, en 1987, Ellen Kushner avait dĂ©jĂ fait le choix dâun protagoniste homosexuel pour son premier roman Swordspoint, mais Lackey est la premiĂšre a ĂȘtre publiĂ©e par une maison dâĂ©dition mainstream (DAW Books), dans le genre de la high fantasy.
Sâil existe dâautres romans de fantasy gays Ă la fin des annĂ©es 1980, ils ne sont pas connus en France.
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Plus grands sont les hĂ©ros de Thomas Burnett Swann, sorti en 1974, est le seul autre roman avec des protagonistes homosexuels qui me vienne Ă lâesprit, mais il nâa Ă©tĂ© traduit quâen 2014 chez nous.
Dimanche 19 février
Bien plus que lâunivers, câest le travail sur la caractĂ©risation des personnages qui fait de Magicâs Pawn une histoire mĂ©morable.
La souffrance de Vanyel, ses mĂ©canismes dâautodĂ©fense, ses rĂȘves brisĂ©s, la dĂ©couverte de lâAmour (avec un grand A, car il dĂ©couvre son Ăąme sĆur ; il est « life-bonded »)⊠la lectrice est amenĂ©e Ă ressentir mille Ă©motions durant sa lecture. Elle ne peut que sâattacher Ă ce personnage, qui nous est prĂ©sentĂ© comme le vilain petit canard (mais dont la beautĂ© trahit dĂ©jĂ le fait que câest un cygne).
Lackey prend le temps (bien plus que je ne serais capable de le prendre moi-mĂȘme) de poser le dĂ©cor : lâarrivĂ©e Ă Haven (= lâentrĂ©e dans le monde des HĂ©rauts) nâest pas immĂ©diate.
MĂȘme le voyage jusquâĂ la capitale est entiĂšrement racontĂ©, alors quâelle pourrait tout aussi bien sâen dispenser. Dâautres autrices auraient saisi cette occasion pour donner le plus dâexplications possible sur le royaume de Valdemar. Lackey nâen fait rien. Dans ce chapitre, la lectrice est plongĂ©e dans la psychĂ© du personnage. Dâun point de vue de lâaction et de lâavancĂ©e de lâintrigue, il ne sây passe rien.
*
Le reste du roman est intelligemment composé : ce nâest quâaprĂšs avoir Ă©prouvĂ© la douleur de la perte quâil est autorisĂ© Ă gagner quelque chose. Lâamour ne vient quâaprĂšs la destruction de ses aspirations musicales ; son entrĂ©e dans le monde des HĂ©rauts nâarrive quâune fois quâil a perdu son amour dans des circonstances pour le moins traumatisantes. Le bonheur du hĂ©ros se voit sacrifiĂ© Ă chaque Ă©tape du rĂ©cit. Son dĂ©veloppement se fait dans la douleur.
Le premier tome annonce dĂ©jĂ la fin tragique de la trilogie. Notons que ce nâest pas un simple foreshadowing mĂ©taphorique : Vanyel rĂȘve de ses derniers instants, ce qui dĂ©montre que Lackey savait dĂ©jĂ comment elle voulait terminer son histoire.
*
Ăvidemment, le roman nâest pas sans dĂ©fauts (lâhistoire dâamour se dĂ©veloppe trop brusquement Ă mon goĂ»t : une minute, ils sâignorent ; la minute suivante, ils sâaiment Ă la folie et ne se quittent plus), mais il fonctionne trĂšs bien, mĂȘme Ă la seconde relecture, quand je sais dĂ©jĂ ce qui va se passer. LâĂ©motion est intacte. Toujours aussi intense.
Peut-ĂȘtre sâagit-il lĂ de la meilleure trilogie de Mercedes Lackey.
Lundi 20 février
Alors que lâĂąge me fait entrer, lentement mais sĂ»rement, dans la catĂ©gorie des vieux cons, il mâest de plus en plus difficile de regarder toute innovation technologique avec cet Ă©merveillement qui caractĂ©rise le plus souvent la jeunesse.
Les avancées dans le domaine des Intelligences Artificielles impressionnent, mais leurs besoins énergétiques sont tout aussi impressionnants, voire inquiétants, surtout dans le contexte de la crise climatique.
Sâil y a des domaines, comme la mĂ©decine, oĂč ces avancĂ©es sont les bienvenues ; je doute que ChatGPT, intĂ©grĂ© Ă Bing pour nous divertir et renforcer notre flemme, puisse ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un progrĂšs technologique bĂ©nĂ©fique.
Nous sommes Ă lâaube dâune Ă©niĂšme rĂ©volution technologique (la quatriĂšme ?) Ă un moment de notre Histoire oĂč les inĂ©galitĂ©s se renforcent, oĂč la planĂšte surchauffe et Ă©touffe dĂ©jĂ .
Si ce que lâon prĂ©dit est vrai (= les IA mettront des pans entiers de la sociĂ©tĂ© au chĂŽmage), il serait peut-ĂȘtre temps que nos gouvernantes sâassurent quâun systĂšme de redistribution Ă©quitable des richesses soit mis en placeâŠ
Pour le moment, on veut nous faire travailler plus, plus longtemps⊠tout en nous prĂ©disant quâon finira par perdre notre emploi rĂ©munĂ©rateur (et quâon aura du mal Ă en trouver un autre). Il est facile dâimaginer la dystopie qui va sâensuivre.
Mardi 21 février
Dans sa newsletter dâhier, Nat Eliason affirme que le bon style (ce quâil nomme « great writing ») est invisible.
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(Câest en Ă©crivant cette phrase que je mâaperçois que lâexpression « great writing » doit ĂȘtre adaptĂ©e pour passer dans notre langue. Comme je suis Français, le mot auquel je pense immĂ©diatement est style â le miroir aux alouettes des lettres françaises. Je prends ici le mot dans son acception large : le style est notre maniĂšre de prĂ©senter les choses, pas seulement le vocabulaire ou la syntaxe que lâon utilise.)
*
Son texte est trĂšs intĂ©ressant, car ce quâil essaye de dĂ©finir nâest pas dĂ©finissable.
Bon (great writing) et mauvais (bad writing) sont des notions subjectives. Ce que je considĂšre bon peut facilement ĂȘtre mauvais aux yeux de ma voisine, et vice versa.
La seule conclusion qui sâimpose est la suivante : un style nâest bon que parce quâil est adaptĂ© au goĂ»t de son lectorat.
Ce qui nâavance pas beaucoup lâĂ©crivaine quand elle doit Ă©crire son texte⊠(La pirouette finale de Nat Eliason est de dire que câest Ă ce moment-lĂ que lâArt entre en scĂšneâŠ)
Mercredi 22 février
Dans le second tome du Dernier HĂ©raut-Mage, il y a tout un chapitre dans le lequel Lackey sâefforce de dissocier homosexualitĂ© et pĂ©dophilie.
RentrĂ© dans sa famille, Vanyel sâĂ©nerve, Ă juste titre, du fait que son entourage le soupçonne de vouloir sĂ©duire les petits garçons et les jeunes adolescents (il est un hĂ©raut, for goodness' sake !).
La lectrice du XXIe siĂšcle peut sentir les « dĂ©bats » sur lâhomosexualitĂ© qui agitaient les annĂ©es 80-90 et la volontĂ© de lâautrice de dĂ©monter les clichĂ©s un par un Ă travers toute cette trilogie : lâhomosexuel est un homme qui Ă©prouve des sentiments pour un autre homme, pas un satyre qui sauterait sur tout ce qui ressemble Ă un mĂąle (ou un mĂąle en devenir) de prĂšs ou de loin.
Ma premiĂšre rĂ©action a Ă©tĂ© de trouver tout cela un peu vieillot et de me dire : le monde a quand mĂȘme bien Ă©voluĂ© depuis !
Puis, jâai pensĂ© Ă ce qui se dit sur les rĂ©seaux sociaux, le renforcement du conservatisme aux Ătats-Unis et ailleurs, et je rĂ©alise que pour certaines, ces dĂ©bats-lĂ sont toujours dâactualitĂ©. On a peut-ĂȘtre dĂ©calĂ© la cible : des homos, on est passĂ© aux trans, mais les craintes dĂ©lirantes sont les mĂȘmes. « Les queers sont des violeuses qui veulent pervertir nos enfants. »
Trois décennies plus tard⊠What a sobering thought.
Vendredi 24 février
Magicâs Promise est le roman de la transition, de lâentre-deux (une affirmation qui pourrait sâappliquer Ă tous les seconds tomes dâune trilogie).Â
Il nâest pas sans maladresses, ce qui, en tant quâauteur, me rassure beaucoup. Il nây a rien de pire quâun roman qui soit parfait, surtout dans les genres que jâĂ©cris : ça me fait me sentir tout petit.
La solitude de Vanyel pourrait ĂȘtre agaçante si elle ne se justifiait pas aussi bien⊠Ce nâest pas parce quâil est gay quâil est condamnĂ© Ă cette vie de sacrifice (ce quâune lecture superficielle avec un peu de mauvaise foi laisserait penser). Ce nâest pas « un de ces romans » oĂč la sexualitĂ© du personnage dicte la fin misĂ©rabiliste de lâhistoire. Non (quoiqueâŠâ?). Câest parce quâil est le HĂ©raut-Mage le plus puissant de Valdemar que sa destinĂ©e est aussi sombre.
Quand la Mort lui donne le choix entre le repos Ă©ternel et une vie de douleurs et de solitude, il dĂ©cide de retourner parmi les vivantes afin de les aider, malgrĂ© son envie dâen finir. MĂȘme pas trente ans et dĂ©jĂ usĂ© jusquâĂ la cordeâŠ
Ce pathos, qui ne se cache pas, est ce qui fait la force des romans de Lackey. Les hĂ©rauts sont prĂȘtes Ă se sacrifier pour le bien de la communautĂ©. Figures christiques, par excellenceâ; leur mort, Ă lâimage de leur vie, acquiert une signification profonde.
Samedi 25 février
Cela fait quelques années que je suis fasciné par les « réincarnations » des lamas tibétains.
Les tulkous, comme on les nomme, ont des destinées romanesques : ils (car ce sont le plus souvent des hommes) sont choisis dÚs le plus jeune ùge pour devenir des personnalités religieuses exceptionnelles.
Mais le mot « rĂ©incarnation » est erronĂ©, car il laisse supposer lâexistence dâune Ăąme immortelle⊠Or, pour les bouddhistes, lâĂ©go est une illusion ; lâĂąme nâexiste pas. Du coup, quâest-ce qui se rĂ©incarne ?
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Le mot savant pour rĂ©incarnation est mĂ©tempsycose (je prĂ©fĂšre lâorthographe mĂ©tempsychose, for obvious reasons). Il dĂ©signe le transfert dâĂąme dâun corps Ă un autre⊠La mĂ©tempsycose, câest la croyance que lâĂąme (Ă©ternelle) est vagabonde.
Dans le cas qui mâintĂ©resse, on parlera de mĂ©tensomatose pour les lamas tibĂ©tains.
Si la ÏÏ ÏÎź, câest lâĂąme ; soma (ÏÏΌα), câest le corps.
Si jâen crois WikipĂ©dia (bĂ©ni soit WikipĂ©dia), mĂ©tensomatose signifie « dĂ©placement du corps spirituel ».
Apparemment, la diffĂ©rence est de taille, mais jâai du mal Ă la comprendre. (Câest le genre de nouveau concept quâil faut lentement digĂ©rer.)
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Jâai lâimpression que cette mĂ©tensomatose est lâĂ©quivalent spirituel de la gĂ©nĂ©tique : de mĂȘme que les parents passent une partie de leurs gĂȘnes Ă leurs enfants, le lama transmet une partie de son bagage spirituel, sa nature, Ă un autre corps. (Je place ici un Ă©norme point dâinterrogation.)
Dimanche 26 février
Dans les RĂ©cits PĂ©ninsulaires, il y aura des « rĂ©incarnĂ©.es ». Pour faire simple, je supposerai que lâĂąme est bien Ă©ternelle et vagabonde⊠Je mettrai la mĂ©tensomatose et les tulkous de cĂŽtĂ©, mĂȘme sâils sont Ă lâorigine de lâidĂ©e.
Câest dĂ©jĂ bien assez compliquĂ© dâavoir des rĂ©incarnĂ©es, des immortelles (qui peuvent mourir) et des RĂȘveuses (qui ne rĂȘvent pas). La lectrice me sera certainement reconnaissante si lâĂąme de mes RĂ©incarnĂ©.es se rĂ©incarne.
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Il mâest difficile de dissocier rĂ©incarnation et spiritualitĂ© (ou religion).
Je me surprends Ă vouloir faire dâAlexandre Ambronne un futur chef spirituel, ce qui est absurde.
Sa cousine Maeve, oui, absolument⊠mais Alexandre nâa pas lâĂ©toffe dâun chef spirituel⊠à moins que, tout comme le Bouddha, il soit coincĂ© dans sa phase hĂ©doniste quand nous le rencontrons pour la premiĂšre fois.
(Je pense que, dans les RP, les rĂ©incarnations sont liĂ©es Ă une forme de magie Ă©lĂ©mentale. RĂ©incarnation dâanciennes mages puissantes plutĂŽt que de cheffes spirituelles, mĂȘme si lâune nâexclut pas lâautre.)
Peut-ĂȘtre Alexandre deviendra-t-il ce chef spirituel, aussi improbable soit-il (je nâai jamais pensĂ© Ă ce que lui et ses cousines deviendraient en grandissant), mais, Ă 18 ans, il est dĂ©cidĂ© Ă profiter des plaisirs de la vie.
En un mot, câest un queutard.
(En tout cas, câest ainsi que Corydon devrait le percevoir.)
Je sais trÚs bien que le mois de février ne commence pas le 31 janvier⊠mais je tenais à vérifier que tu suivais (un peu).
âThe reward of labour is life. Is that not enough?â (William Morris)