La vue depuis les marges

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Devenir auteurice au XXIĂš siĂšcle

enzodaumier.substack.com

Devenir auteurice au XXIĂš siĂšcle

OĂč Enzo exploite l’exploitation

enzo daumier đŸłïžâ€đŸŒˆ
Dec 17, 2022
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Devenir auteurice au XXIĂš siĂšcle

enzodaumier.substack.com

Nous vivons sous le joug du capitalisme. Qu’il soit devenu libĂ©ral, ultra-libĂ©ral, mĂ©ta-libĂ©ral ou tout bonnement moribond ne change rien.
Nous servons un dieu appelĂ© l’Économie, oubliant que nous l’avons créé Ă  l’origine pour qu’il nous serve.
Nous ne sommes que des rouages dans cette grande machine dont le but est d’extraire, extraire, extraire. Pomper jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien

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L’exploitation semble ĂȘtre devenue notre seul moyen d’apprĂ©hender le rĂ©el et notre environnement.
Ce qui est merveilleux avec le verbe exploiter, c’est qu’il se conjugue Ă  toutes les personnes, et s’épanouit aussi bien Ă  la voix active qu’à la voix passive. Dans notre sociĂ©tĂ©, j’exploite autant que je suis exploitĂ©. Et mĂȘme si tu aimes prĂ©tendre le contraire, tu exploites, toi aussi, et tu es exploitĂ©.e.

L’ĂȘtre humain a un sens innĂ© de la justice. L’idĂ©ologie, qui justifie l’exploitation, peut le bluffer un temps (parfois plusieurs siĂšcles, il est vrai), mais sa patience finit irrĂ©mĂ©diablement par s’user : toute exploitation abusive se termine donc par une rĂ©volte ou une rĂ©volution.
Exit la didacture. Exit la monarchie. Exit le colonialisme.
Exit le patriarcat (force Ă  nous, on y croit).

Exploitation, jusqu’à quand abuseras-tu de notre patience ? (CicĂ©ron)

De l’esclavage contemporain aux Kardashians, de la crise climatique Ă  Elon Musk, cĂŽtĂ© dysfonctionnement horrifiant, the choice is limitless
 On ne sait plus oĂč donner de la tĂȘte.
Mais la dĂ©cence devrait nous forcer Ă  porter davantage d’attention aux conditions de travail dans certaines usines textiles d’Asie (qui nous habillent de pied en cap) qu’à la relation toxique qu’entretiennent Harry & Meghan avec les mĂ©dias britanniques, ou avec la Famille Royale

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Toi aussi, devine de quel sujet on parle Ă  la TV en ce moment.

Puisque je ne suis pas plus décent que Monsieur et Madame Toulemonde, je ne suis pas venu te parler de ces gamins de six ans qui cousent tes chaussures de sport ou qui fabriquent ces jouets que tu offriras, dans quelques jours, à tes enfants ou à tes neveux et niÚces (Joyeux Noël, bien sûr).

Non, comme ça cause culture dans cette newsletter et que je suis accessoirement un Ă©crivain (certain.e.s sont en droit d’en douter), je suis venu partager la derniĂšre preuve de l’exploitation dans le secteur du livre outre-Manche (mais qui, je te rassure, s’applique Ă©galement au secteur français).

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Les écrivains, ces richoux


Il y a quelques jours, l’ALCS (Authors' Licensing and Collecting Society) a publiĂ© les rĂ©sultats d’un enquĂȘte annuelle : les revenus des Ă©crivains du Royaume-DĂ©suni se sont cassĂ© la figure (38 % de baisse depuis 2018). En moyenne, un Ă©crivain professionnel gagne ÂŁ7000 par an (8000 € environ). Depuis 2006, le nombre de ceux et celles qui vivent exclusivement de leur clavier est passĂ© de 40 % Ă  19 %.
Comme dans d’autres industries, les inĂ©galitĂ©s se creusent : les revenus se concentrent entre les mains de certaines auteurices. 47 % des revenus vont Ă  10 % des auteurs. Les plus affectĂ©es sont Ă©videmment les voix minorisĂ©es de la littĂ©rature (femmes, BIPOC, LGBTQ+, classes ouvriĂšres, les provinciaux, etc., etc.).

L’industrie du livre, malgrĂ© ses chouineries rĂ©guliĂšres, se porte trĂšs bien. Elle multiplie le nombre de publications pour s’assurer un chiffre d’affaires stable (ou en augmentation), ne paie plus (ou plus trop) d’avances aux auteurices et verse des salaires de misĂšre Ă  ses employĂ©.e.s

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Bref, l’industrie du livre s’inscrit pleinement dans le capitalisme outrancier en fin de vie que nous subissons actuellement.

Vouloir devenir Ă©crivain dans ces conditions, c’est faire preuve d’un masochisme certain (ou d’un optimisme naĂŻf bien risible).
Mais comme le bon sens semble ĂȘtre une denrĂ©e tout aussi rare que la dĂ©cence (en tout cas, chez moi), nous continuons Ă  cultiver ces chimĂšres.

Ce qui caractĂ©rise l’auteurice, c’est sa capacitĂ© Ă  croire qu’iel va y arriver lĂ  oĂč toustes les autres ont Ă©chouĂ©.
Cette conviction est louable et certainement admirable (mais un peu comme on admirerait un bĂątiment en feu, de loin).

Les conseils de Tonton Enzo pour réussir ta vie


Comme c’est NoĂ«l et que, tu l’auras devinĂ©, je suis d’humeur gĂ©nĂ©reuse, je me suis dit qu’il fallait que je partage ici mes conseils pour devenir une auteurice pro au XXIĂš siĂšcle.

Si tu les suis, tu es garanti.e d’y arriver !!!

  1. Le mieux, c’est de naĂźtre dans une famille riche de la rĂ©gion parisienne (ou expatriĂ©e Ă  Londres).

  2. Sois un homme blanc hĂ©tĂ©ro. Si tu ne peux pas, il faut lĂącher (dans cet ordre) : ton hĂ©tĂ©rosexualitĂ©, la blancheur de ta peau, tes testicules. Essaye de rester un homme quoi qu’il arrive, tu iras toujours plus loin, mon fils.

  3. Si vraiment tu n’as pas de bol et que tu n’es rien du point 2, ne dĂ©sespĂšre surtout pas. Femme blanche hĂ©tĂ©ro, c’est pas trop mal non plus. Si tu ne t’appelles pas Marie-Chantal ou Marie-Eudoxie, mais plutĂŽt NoĂ»r ou Yasmine, prends un nom de plume

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    , ne mets aucune photo de profil et ne donne aucune interview.

  4. Tu refuses de cĂ©der au sexisme, au racisme et aux autres -ismes de notre sociĂ©té ? Et tu veux Ă©crire sur des expĂ©riences Ă©loignĂ©es de l’hĂ©tĂ©ronorme ? Pas de problĂšme. Prends un sugar daddy (ou une sugar mamma). Refuse de te faire entretenir, tu dois impĂ©rativement l’épouser (ce n’est pas pour rien qu’on a le mariage pour tous en France, bordel).

  5. Tu souhaites ĂȘtre indĂ©pendant.e ? Tu te compliques la vie inutilement. (Tu sais, faudrait apprendre Ă  exploiter davantage que tu n’es exploitĂ©.e.)

    Mais admettons que tu veuilles prĂ©tendre que ton succĂšs, tu te l’es gagné : dans ce cas, deviens prof. Tu n’as pas besoin d’aimer les enfants, de comprendre les difficultĂ©s d’apprentissage ou d’avoir un don pour la pĂ©dagogie. Suffit que tu aies Ă©tĂ© un bon Ă©lĂšve toi-mĂȘme. Si tu aimes les hiĂ©rarchies dysfonctionnelles, les conditions de travail hallucinantes et les burnouts, you're in for a treat.

  6. Joue Ă  l’Euromillions. Tes chances de gagner le jackpot sont bien plus importantes que celles d’ĂȘtre un best-seller.

  7. Travaille dans le secteur de l’édition. Exploite et sois exploitĂ©.e dans la joie et la bonne humeur. D’ailleurs, n’oublie pas de le dire Ă  tout le monde : ce n’est pas un travail, c’est une vocation. Bonus : tu pourras toujours placer tes manuscrits auprĂšs de tes nouveaux collĂšgues.

  8. Forme les autres Ă  devenir Ă©crivains. Si le common sense est rare, celleux qui aspirent Ă  Ă©crire un roman ne le sont pas. Et si tu te sens d’humeur mĂ©ta, forme les futurs formateurs.

  9. N’écris pas un roman, oublie l’Art. Produis un contenu facilement adaptable pour le petit ou le grand Ă©cran, qui peut se dĂ©cliner en franchise. Sois la future J. K. Rowling (si t’es transphobe, tu as dĂ©jĂ  pris une longueur d’avance sur les autres, ne te dĂ©courage pas !)

  10. Deviens cĂ©lĂšbre dans un autre domaine. Le milieu de l’édition t’offrira des ponts d’or. Tu n’es mĂȘme pas obligĂ©.e d’écrire ton livre ; un.e autre le fera Ă  ta place.

Comme tu peux le voir, rien qui ne soit impossible. Avec de la dĂ©termination, un brin de folie et un sens de la rĂ©alitĂ© discutable, ton rĂȘve d’écrire Ă  temps plein est Ă  portĂ©e de main.


C’est NoĂ«l, share the love autour de toi.

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Je tire ma rĂ©vĂ©rence sur ces pensĂ©es optimistes et positives, car tu me connais, j’aime voir le verre Ă  moitiĂ© plein - mĂȘme quand il a Ă©tĂ© jetĂ© Ă  la poubelle (heureusement qu’il est recyclable !).

Je te souhaite de passer d’excellentes fĂȘtes de fin d’annĂ©e avec celleux qui te sont proches et que tu aimes (famille de sang comme famille de cƓur).

Si la solitude te pÚse durant ces jours de joie imposée et que tes pensées jouent à cinquante nuances de noir, écris-moi. Je te répondrai.

So long,

Enzo

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Et je crois qu’on sait tous Ă  quel point il est dĂ©sagrĂ©able de se faire pomper jusqu’à la derniĂšre goutte. Si tu penses Ă  ce que je pense, honte Ă  toi.

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Visiblement, la dĂ©cence, c’est surfait : Harry & Meghan, c’est du rĂ©chauffĂ©, mais qu’est-ce que c’est divertissant !

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Il suffit de regarder la grùve actuelle chez HarperCollins à New York pour s’en convaincre.

4

Si tu Ă©cris dans certains genres, un pseudo masculin te sera d’une grande aide.

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