
Discover more from La vue depuis les marges
Récemment, j’ai senti que tu t’inquiétais pour moi. « Est-ce qu’Enzo va bien ? Il semble passer son temps à écrire ce journal que personne ne lit. Ne fait-il pas autre chose pour se détendre ? »
Je te rassure, je continue à regarder des séries.
Si je compte un jour prendre ma retraite et ne plus écrire (oui, je sais, ça fait un an que je le dis, mais ça finira par arriver), je n’ai pas prévu d’arrêter mes explorations du monde des BL, cet univers moite où les hommes sont à moitié à poil et où l’hétérosexualité est à ce point une anomalie qu’on se demande comment la race humaine continue d’exister.
Tu as envie de savoir ce que j’ai regardé ? La liste exhaustive serait trop longue pour cette newsletter. Voici donc la crème de la crème (à prononcer avec l’accent anglais de rigueur).
The End of the World With You
(adapté du manga Bokura no Micro na Shuumatsu de Makurido Maki)
Il ne reste plus que dix jours avant que la Terre ne soit frappée par un astéroïde et que la race humaine ne soit anéantie. Masumi Nishina, un employé de bureau à la vie monotone, décide de passer ces derniers jours à la bibliothèque de son université… Mais ses plans tombent à l’eau quand il se retrouve face à Ritsu Kusakabe, l’homme qui, dix ans plus tôt, lui a brisé le cœur de manière cruelle.
Cette série BL japonaise est divisée en 8 épisodes de 24 minutes. On retrouve Toshiki Seto que l’on avait découvert dans Senpai, This Can’t Be love ! (2022).
J’ai été surpris par les choix narratifs de cette série : les cinq premiers épisodes vont à contre-courant des tropes romantiques du genre. Chacun fait avancer l’histoire de manière inattendue… L’arrivée de la fin du monde oblige les personnages à faire des choix qu’il n’aurait certainement pas faits en temps normal. Ils se retrouvent embarqués dans une odyssée originale, comme seuls les Japonais ont le secret.
Même si la fin est assez conventionnelle (une romance BL avec un titre pareil, on se doute bien comment ça finit, n’est-ce pas ?), The End of the World With You est une série rafraîchissante que je recommande à celleux qui se lassent vite des BL tradi.
Moonlight Chicken
Cette série thaï s’éloigne du format habituel (12 épisodes) avec ses 8 épisodes d’une heure. On retrouve à la tête de l’affiche Earth et Mix, le duo d’acteurs devenu célèbre grâce à A Tale of Thousand Stars ou Cupid’s Last Wish.
Earth incarne Jim, le propriétaire d’un restaurant populaire, spécialisé dans le riz au poulet hainanais. La quarantaine ou presque, célibataire endurci, il s’occupe seul de son neveu, Li Ming (joué par Fourth Nattawat). Un soir, il rencontre Wen (Mix Sahaphap), un jeune employé de bureau, financièrement plus aisé que lui, avec qui il couche. L’histoire pourrait s’arrêter là – c’est en tout cas le souhait de Jim, qui ne souhaite pas prolonger son one-night stand, mais Wen, qui a un caractère obstiné et sait ce qu’il veut, a déjà commencé à tomber amoureux…
Soyons honnêtes, Earth n’est pas un grand acteur, même s’il s’améliore à chaque série qu’il fait. Son jeu, bien qu’adapté au personnage taciturne de Jim, pâlit en comparaison de celui de Fourth (ma révélation de 2023).
C’est d’ailleurs l’intrigue autour du neveu de Jim qui est la plus intéressante et la raison pour laquelle je conseille cette série : lors d’une livraison, Li Ming rencontre Heart (Gemini Norawit), un adolescent qui est devenu sourd trois ans plus tôt. Leur relation part du mauvais pied : Heart l’accuse d’avoir brisé une bouteille d’alcool appartenant à son père. N’ayant pas l’argent pour rembourser la famille de Heart, Li Ming se retrouve à devoir travailler pour eux. Ainsi commence une belle histoire, toute en subtilité, avec deux jeunes acteurs qui crèvent l’écran.
My School President
Fourth Nattawat et Gemini Norawit sont aussi à l’affiche de My School President, une série de 12 épisodes, diffusée de décembre à février dernier, avant Moonlight Chicken.
L’industrie thaïe nous a tellement gavés de séries qui se passent au lycée qu’à chaque fois que je vois des acteurs en uniforme scolaire, une certaine lassitude s’empare de moi.
Tinn (Gemini), le président du conseil des élèves, est secrètement amoureux de Gun (Fourth), le chef du club de musique et chanteur principal du groupe Chinzhilla. Fils de la proviseure du lycée, Tinn est chargé de supprimer tous les clubs qui ne rehaussent pas la réputation de l’école : le club de musique est en tête de liste et Tinn, bien malgré lui, devient l’ennemi numéro un de Gun… Mais, l’amour donnant des ailes, il décide, dans le plus grand secret, de faire tout son possible pour que Gun, non seulement sauve son club, mais réalise aussi ses rêves (devenir un chanteur célèbre et assurer le bien être matériel de sa mère).
Dans la communauté BL, on parle souvent de la chemistry qui existe entre les personnages (ou les acteurs). My School President en offre un parfait exemple : Fourth et Gemini ont une dynamique fascinante. Leur relation à l’écran rend mémorable cette high-school story assez convenue et nous fait passer un excellent moment.
Notons aussi la présence remarquée de Mark Pakin Kunaanuwit (lui aussi dans Moonlight Chicken), dont le jeu enthousiaste est rafraîchissant. Voilà un autre acteur que je vais garder à l’œil (dit-il).
The Warp Effect
Puisque nous parlons du très-à-mon-goût Mark, éloignons-nous du BL pendant un bref moment pour causer de la série The Warp Effect, avec dans le rôle-titre New Thitipoom (un acteur connu pour Dark Blue Kiss, entre autres).
Il s’agit d’une histoire de voyage dans le futur. En 2011, Alex, dix-sept ans et puceau, rompt le serment que lui avait fait prêter sa mère avant qu’elle ne meure. Lors d’une party bien arrosée, il perd sa virginité et se retrouve projeté dans le futur : devenu gynécologue, il doit régler les problèmes de ses anciens amis d’école, dont une partie ne lui parle plus depuis cette fameuse soirée, dont il ne garde aucun souvenir. Pour compliquer le tout, voilà qu’il se retrouve impuissant.
On l’aura compris, The Warp Effect traite de sexualité en long, en large et en travers, avec humour et légèreté, mais sans pour autant se tenir éloigné des problèmes que celle-ci pose dans nos vies : traumatismes, déviances (ou perçues comme telles), homosexualité, etc., tout est passé au crible. C’est fait avec beaucoup de subtilité, malgré l’humour gras et potache de l’ensemble. Ce fut une agréable surprise.
Mention particulière pour Silvy Pavida Morrigi, l’actrice Italo-thaïe, dont je suis certainement tombé amoureux (amour platonique, je te rassure). L’intensité de son jeu m’a beaucoup impressionné. J’espère que nous aurons l’occasion de la voir plus souvent à l’écran.
Jack o’ Frost
En novembre dernier (voir ci-dessus) , je regrettais que le genre romantique, à l’écrit comme à l’écran, ne se focalise que sur les premières rencontres.
Le Japon a entendu mes prières (d’ailleurs, c’est souvent ce pays qui propose les histoires les plus originales).
Jack o’ Frost (6 épisodes de 25 minutes chacun), qui se termine la semaine prochaine, commence par une scène de rupture entre l’illustrateur Ritsu Okusawa et son petit ami, Fumiya Ikegami. Éclats de voix, bris de vaisselle, une vraie scène de ménage. Les spectateurices ignorent les raisons qui ont abouti à ce moment de leur relation. Ce qui est certain : c’est l’anniversaire de Ritsu et il est en train de rompre. Celui-ci finit par prendre la fuite et, comme ce n’est vraiment pas sa journée, il a un accident et devient amnésique… mais c’est une amnésie sélective : s’il se rappelle chaque période de sa vie, les souvenirs en rapport avec Fumiya ont été effacés. Fumiya, qui aime toujours Ritsu malgré leur rupture, décide de ne rien dire sur leur relation passée et de s’occuper de lui comme s’il avait toujours été son colocataire.
J’aime l’ambiguïté morale des personnages, le fait qu’ils fassent tous les deux des erreurs. C’est ce qui les rend attachants. Jack o’ Frost est une histoire dans laquelle on peut facilement se projeter : elle ne nous donne pas à voir des êtres parfaits. Elle est ancrée dans la réalité de ce qu’est un couple : ce n’est jamais la faute d’une seule personne.
Nous n’avons pas ici le frisson de la première rencontre, même s’il est vrai que Ritsu semble vite retomber amoureux de Fumiya, mais l’histoire n’en est pas moins captivante et émouvante. Jack o’ Frost démontre que la romance peut aussi s’intéresser à d’autres moments d’une relation.
Oui, c’est difficile à faire, car les modèles sont moins nombreux, mais quand c’est bien fait, l’histoire laisse une impression durable dans notre mémoire.
So long!
Enzo