La police de la pureté
Où Enzo doit montrer sa carte
Les lignes qui suivent ont été inspirées par l’actualité de ces dernières semaines… et la désillusion et le dégoût qu’une certaine frange de la communauté LGBT inspire en moi.
“Si tu crois que tu peux intégrer la communauté LGBT par simple profession de foi, tu te trompes. Si tu veux nous rejoindre parce que nous sommes bienveillants, passe ton chemin.
À l'instar de l'administration française, la rainbow mafia exige que les preuves lui soient soumises en trois exemplaires minimum.
Le coming out est obligatoire. Si tu n'en as pas le courage, nous pouvons te outer. Nous laissons l'amour et l'eau fraîche aux hétéros ; ici, on se nourrit d'obscurité pendant que les serpents sifflent sur nos têtes.
Nous prenons la compassion au sens littéral : puisque nous avons souffert, nous te ferons souffrir pareillement. Il est hors de question que tu puisses profiter des avantages de notre communauté sans en payer le prix.
Le placard ? C'est pour ces bi qui ne savent pas se décider. Sache que nous les méprisons : il vaut mieux que tu choisisses ton camp. Nous n'aimons pas les nuances de gris, à moins qu'elles se pratiquent sous les draps.
T’es gay ou t’es hétéro.
Tu dis ? Le B, dans LGBT ? Tu ne croyais quand même pas qu'il était pour les bi, n'est-ce pas ? Non, non, non. Il n'y a que deux lettres qui importent : L et G... (et certainement pas dans cet ordre). On n'a ajouté les autres lettres que pour améliorer notre image. Après tout, nous sommes nombreux à travailler dans les relations publiques...
Sache que nous détestons le queerbaiting. Les marques qui s'y adonnent, passe encore - nous vivons sous le joug du capitalisme. Nous savons faire preuve de largesses à qui sait nous titiller. Ce n'est pas pour rien que l'on parle de pink money : nos poches sont larges et profondes.
Mais notre haine ne connaît aucune limite quand nous soupçonnons un artiste de faire semblant. Nous lançons alors notre armée de trolls sur les réseaux sociaux pour détruire sa réputation, pour questionner la pureté de ses intentions. Peu importe si nous forçons un gamin de dix-huit ans à se outer. Il faut souffrir pour être gay... (ou bi, si tu préfères continuer cette fiction - comme toute phase, ça finira bien par te passer un jour).
L'amour que nous professons est dur. Tough love is better than none. Nous aimons les endommagés et les détraqués ; ils nous font nous sentir mieux dans notre peau. N'est-il pas nécessaire de souffrir pour aller mieux ? Pour connaître le paradis, il faut avoir traîné ses guêtres en enfer.
Un coming out sans drame serait du plus mauvais goût. Fais-nous confiance pour le rendre mémorable.
Tu sais, si tu ne nous rejoins pas maintenant, tu vas passer ta vie avec les hétéros. On les déteste (certes, moins que les bi, ces traîtres) : avec eux, tu ne connaîtras pas le bonheur. Ils sont le mal incarné. Ils ne connaissent que la violence, les règles arbitraires (mariage, enfants, patrie)...
Avec nous, tu goûteras à la liberté, tu pourras pleinement te réaliser, devenir qui tu veux devenir. For real.
Le cadre que nous imposons, c’est pour ton bien. Respecte-le et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Bref, n'aie pas peur. Ça risque de faire mal au début, mais si tu respires profondément et fermes les yeux, tu finiras par apprécier l'expérience. Trust me, tu en redemanderas même.
La cerise sur le gâteau ? Tu as l'autorisation de faire aux autres membres de notre tribu ce qu'on t'a fait subir. Et même pire."
Le coin poésie
L’hiver est propice à la méditation et à l’introspection. Luttant contre mes envies d’hiberner, je retombe souvent dans la poésie et les formes brèves (j’aime les formes brèves).
Ci-dessous, un poème que j’ai écrit il y a quelques mois (devrais-je dire années ? car c’était en février 2020, de la poésie pré-covid donc).
buy, bought, bought : acheter c’est moi un Français qui dut t’apprendre que le passé d’acheter n’était pas brought mais bought encore maintenant quand tu reviens des courses je prête l’oreille pour entendre ce -r qui se glisse dans tes bought et cette erreur surprenante quelque peu enfantine qui chez un autre me hérisserait le poil me charme softens my heart Nô, Les sentiments irréguliers
So long!
Enzo