La version intĂ©grale de ce journal est disponible dans mon jardin numĂ©rique, Sylves. La publication sây fait au jour le jour.
Jâapplique ici lâorthographe rectifiĂ©e (good-bye les petits accents circonflexes !). Si une de ces entrĂ©es rĂ©sonne tout particuliĂšrement en toi, nâhĂ©site pas Ă me le dire, ici ou sur les rĂ©seaux sociaux.
So long!
Enzo
Mardi 01 octobre
Dans sa newsletter du jour, CM Deiana raconte quâune de ses collĂšgues ne connaissait pas le concept dâanthologie, ce qui est difficile Ă croire pour toustes celleux qui lisent de la SFFF et qui sont habitué·es Ă ce format.Â
Mais ça mâa rappelĂ© comment, adolescent, jâai lu Les Chroniques martiennes de Bradbury sans comprendre quâil sâagissait dâun recueil de nouvelles. Jâai Ă©tĂ© dĂ©contenancĂ© et je ne peux pas dire que ça mâait beaucoup plu. Ăa manquait de liens, câĂ©tait trop disjoint. Pourquoi les personnages Ă©taient-ils diffĂ©rents dâun «âchapitreâ» Ă lâautreâ?
Mercredi 02 octobre
Cette semaine, jâai quittĂ© Google pour Bing.Â
Pendant longtemps, Google a Ă©tĂ© le meilleur moteur de recherche, mais rĂ©cemment, il sâest emmerdifiĂ© au point dâĂȘtre incapable de produire des rĂ©sultats de qualitĂ©, surtout si les recherches sortent des sentiers battus.
Je pense que câest un phĂ©nomĂšne auquel nous sommes en train de nous habituer : les services qui fonctionnaient trĂšs bien se dĂ©gradent au point que nous sommes forcĂ©s dâaller voir ailleurs. Les gĂ©ants monopolistes scient activement la branche sur laquelle ils sont perchĂ©s.
Utiliser Bing, câest revenir dix ans en arriĂšre (si on oublie cette IA importune qui rĂ©sume les rĂ©sultats en haut de page, Ă©videmment). Ăa fait du bien de pouvoir enfin trouver ce que lâon chercheâ!
Jeudi 03 octobre
Le dernier essai de Mary Beard, Emperor of Rome (2023), est enfin sorti en poche. Je lâai reçu en dĂ©but de semaine, avec le recueil de nouvelles dâAngela Carter (The Bloody Chamber, 1979) et un livre sur les mythes corĂ©ens aux Ă©ditions Thames & Hudson. Je viens de commencer la lecture du prologue, qui est trĂšs bien Ă©crit : câest clair, prĂ©cis, passionnant.
Ce nâest pas facile dâĂ©crire aussi bien. LâĂ©cole ne nous lâapprend pasâ; lâuniversitĂ© non plus dâailleurs (le but de lâuniversitĂ© est de nous enseigner Ă manipuler une langue jargonnanteâ; les universitaires sont rarement de grands prosateurs).
Comment Mary Beard a-t-elle donc appris Ă Ă©crire avec une telle aisanceâ? Certainement que sa carriĂšre de Professeure Ă lâUniversitĂ© de Cambridge lâa aidĂ©, ainsi que les nombreux articles et livres universitaires quâelle a publiĂ©s⊠Mais je pense que câest surtout son activitĂ© annexe de prĂ©sentatrice Ă la BBC qui lui a permis de dĂ©velopper ce style qui ne manque pas de mâimpressionner.
Les Anglais·es ont une longue tradition de vulgarisation scientifique. Celle-ci est perçue comme une activitĂ© noble et nĂ©cessaire (contrairement Ă la France qui trouve la vulgarisation⊠vulgaire). Et câest tout Ă lâhonneur de Mary Beard de rĂ©ussir, livre aprĂšs livre sur lâAntiquitĂ© romaine, Ă demeurer tout en haut des meilleures ventes.
Vendredi 04 octobre
Cette semaine, jâai changĂ© ma maniĂšre de travailler au boulot. DorĂ©navant, je «âcompresse mes heuresâ» : au lieu de travailler cinq jours, je fais trente-cinq heures sur quatre. Les journĂ©es sont longues, Ă©videmment, mais jâai maintenant des weekends de trois joursâ! Hourraâ! Vive la libertĂ© retrouvĂ©eâ!
Je nâai plus quâĂ dĂ©cider comment je vais occuper mon temps.
Lundi 07 octobre
Jâai regardĂ© Ă nouveau deux sĂ©ries chinoises mettant en scĂšne une relation amoureuse entre une femme plus ĂągĂ©e et un homme Ă peine sorti des Ă©tudes : The Rational Life(2021) avec Qin Lang et Dylan Wang & Find yourself (2020) avec Victoria Song et le beau Song Wei Long. Toutes deux mâavaient fait rĂ©aliser que jâaimais ce que lâon appelle la May/December romance, un trope bien connu du paysage romantique oĂč câest habituellement lâhomme, plus ĂągĂ©, qui tombe amoureux dâune Ă©tudiante.Â
(Ce nâest dâailleurs pas un simple trope, mais plutĂŽt une rĂ©alitĂ©Â : notre sociĂ©tĂ© patriarcale aime quâun homme puisse sortir avec une fille plus jeuneâ; lâinverse semble encore presque tabou avec la figure dĂ©monisĂ©e de la cougar.)
Ici, le trope est inversĂ©, ce qui fait Ă©normĂ©ment de bien : dans les sĂ©ries chinoises, les protagonistes fĂ©minines sont le plus souvent des ingĂ©nues agaçantes (c.-Ă -d.. des nunuches). Je prĂ©fĂšre les actrices matures dans des rĂŽles de femmes carriĂ©ristes : leur centre de gravitĂ©, leur identitĂ© en somme, est plus assurĂ©â; elles sont au coeur de leur histoireâ; elles ne se dĂ©finissent pas par rapport aux mĂąles qui les environnent.
Des deux sĂ©ries, jâai, au final, prĂ©fĂ©rĂ© Find Yourself, qui propose des personnages secondaires plus attachants que The Rational Life (oĂč la mĂšre est une hystĂ©rique consternante). Les dynamiques familiales de la famille He sont plus fouillĂ©es, et les histoires amoureuses du frĂšre jumeau, CanYang, offre un contrepoint comique bienvenu.
Mardi 08 octobre
Une sĂ©rie sur les correcteurs de manuscrits, anyoneâ? Il nây a Ă©videmment que le Japon pour proposer ce type dâhistoires originales, parfois un peu farfelues, mais toujours bien faites.Â
Jimi ni Sugoiâ! (2016) raconte les aventures de Kono Etsuko (Ishihara Satomi), qui rĂȘve de devenir Ă©ditrice du magazine de mode Lassy. AprĂšs sept essais infructueux, elle parvient Ă se faire embaucher par la maison dâĂ©dition⊠mais dans le dĂ©partement des correcteurs (proofreaders, en anglais), situĂ© au sous-sol comme il se doit. Sa personnalitĂ© chaleureuse et ses vĂȘtements colorĂ©s bouleversent les habitudes dâune Ă©quipe habituĂ©e au silence et Ă la grisaille. Mais Etsuko est dĂ©terminĂ©e Ă faire de son mieux et prend son nouveau mĂ©tier trĂšs au sĂ©rieux (certains diraient mĂȘme un peu trop au sĂ©rieux). Commence ainsi une sĂ©rie dâaventures cocasses dans le monde de lâĂ©dition et de la mode, sur dix Ă©pisodes de 55 minutes, oĂč elle va, entre autres, tomber amoureuse d'Orihara Yukito, un jeune Ă©crivain prodige devenu mannequin, jouĂ© par Suda Masaki, que lâon a vu derniĂšrement dans le rĂŽle-titre de Don't Call it Mystery (2022).
Jâai eu un Ă©norme coup de cĆur pour cette sĂ©rie â si seulement ma vie avait pu ĂȘtre aussi passionnante quand je corrigeais les traductions de romances MM, il y a quelques annĂ©esâ!
Mercredi 09 octobre
«âLes rĂ©seaux que nous utilisons pour communiquer par-delĂ les frontiĂšres, pour trouver nos amis et apprendre de gens qui ne nous ressemblent pas â et pour nous organiser afin de rĂ©pondre aux crises aigĂŒes et aux Ă©checs institutionnels qui nous accablent â sont les mĂȘmes rĂ©seaux qui rendent tant dâentre nous malheureux et/ou dĂ©rangĂ©s.â» (Erin Kissane, wrecka.ge)
Jeudi 10 octobre
«âLa premiĂšre question [pourquoi cherchons-nous des lecteursâ?] appelle des rĂ©ponses variĂ©es. Je vais mettre de cĂŽtĂ©, pour le moment, le fait que certains dâentre nous veulent apparemment des lecteurs parce quâils les considĂšrent comme une ressource Ă exploiter, suivant la sagesse (dĂ©sormais clichĂ©e) des startups selon laquelle si lâon a un public, on peut trouver le moyen de le monĂ©tiser. La raison la plus convaincante et la plus intĂ©ressante pour laquelle la plupart des Ă©crivains recherchent des lecteurs est, je pense, moins utilitaire : nous recevons nos Ă©crits en cadeau, et ils doivent donc ĂȘtre donnĂ©s Ă leur tour. Nous Ă©crivons parce que quelque chose a besoin dâĂȘtre exprimĂ© Ă travers nous, et ce nâest quâen donnant ces Ă©crits Ă un lecteur que ce besoin est satisfait.â» (Mandy Brown, A Working Library, newsletter du 10 octobre 2024)
Vendredi 11 octobre
Peut-ĂȘtre que ce qui me perturbe le plus sur les rĂ©seaux sociaux, câest la perte du contexte : trĂšs souvent, par la magie des algorithmes, on ne sait pas dâoĂč vient telle ou telle affirmation, qui est la personne qui lâavance, son Ăąge, son lieu de vie, les Ă©tudes quâelle a faites (ou pas), son milieu social, son Ă©tat mental. Tout cela importe, car les idĂ©es ne naissent pas ex nihilo : elles ne font sens quâen contexte.Â
Quand on les dĂ©racine ainsi, on les malmĂšneâ; on les juge iniquementâ; on tente de leur faire dire parfois lâopposĂ© de ce quâelles Ă©noncent. Et pire, on exige de leur autrice de sâexpliquer, de se justifier, de participer Ă une discussion qui nâa rien Ă voir avec ce qui a inspirĂ© cette pensĂ©e molestĂ©e.
VoilĂ pourquoi les rĂ©seaux sociaux nous rendent fous : ils sont Ă©nergivores, et alors que lâon y allait pour ĂȘtre compris, pour faire partie dâune communautĂ©, on se retrouve avec le sentiment dĂ©sagrĂ©able dâĂȘtre incompris (et malaimĂ©). Notre cerveau nâest pas fait pour ce type dâinteractions : nous ne nous Ă©panouissons pas Ă parler Ă une foule dâĂ©trangers masquĂ©s, qui enflamment nos nĂ©vroses et peuvent utiliser, Ă tout moment, tout ce que l'on dit contre nous.
Lundi 14 octobre
Bien vivre consiste Ă vivre selon ses valeurs. Une fois que lâon a assurĂ© ses besoins les plus basiques, le but nâest pas de vivre dans davantage de confort ou dâopulence. Le but nâest pas non plus de travailler pour une Ă©conomie plus forte : câest lâĂ©conomie qui sert lâhumain et non lâinverse.
Savoir quelles sont nos valeurs devrait nous occuper jusquâĂ la trentaine, aprĂšs quoi, si on ne les a pas trouvĂ©es, câest quâon ne les a pas vraiment cherchĂ©es : elles ont tendance Ă sâimposer dâelles-mĂȘmes, fruits de lâexpĂ©rience et de la rĂ©flexion.
Ăvidemment, il faut avoir trouvĂ© les bonnes valeurs : la gĂ©nĂ©rositĂ© dâesprit, la tolĂ©rance, la bienveillance. Il faut avoir appris Ă ne pas cĂ©der Ă la facilitĂ©, Ă ne pas Ă©couter cette voix perfide qui souffle que lâautre a toujours plus que soi et mĂ©rite toute notre haine. Il faut avoir appris que la diffĂ©rence est signe de richesse et non sujet Ă mĂ©fiance. Il faut avoir appris quâun enfant palestinien vaut un enfant israĂ©lien, et quâaffirmer le contraire fait de nous des ĂȘtres abjects Ă l'humanitĂ© discutable.
Mardi 15 octobre
«âLes enfants sont toujours les nĂŽtres, chacun dâentre eux, partout dans le mondeâ; et je commence Ă soupçonner que ceux qui sont incapables de le reconnaitre sont peut-ĂȘtre incapables de moralitĂ©.â» (James Baldwin)
Mercredi 16 octobre
Je fais un usage des rĂ©seaux sociaux assez segmentĂ©, en somme : Threads, câest pour lâĂ©critureâ; Instagram, câest pour les vidĂ©os dâanimaux et du japonâ; Twitter, câest pour le BL et la fachosphĂšre.Â
Jâabhorre la fachosphĂšre, mais lâalgorithme teubĂ© de chez Muskadet ne cesse de me montrer les pensĂ©es putrides dâincels vivant dans leur sous-sol.Â
Jâai fini par conclure que, malgrĂ© les douleurs quâelle me causait, la pensĂ©e dĂ©bile mĂ©ritait toute mon attention. (AprĂšs tout, elle rĂ©git notre sociĂ©tĂ© contemporaine â il nây a quâainsi que je parviens Ă expliquer lâĂ©tat de notre monde.) Je me suis donc transformĂ© en ethnologue des rĂ©seaux sociaux.
Entre deux photos de beaux Ă©phĂšbes thaĂŻlandais, comme en apnĂ©e, je lis donc les dĂ©monstrations Ă©poustouflantes de Jean-Marc sur les dangers de la vaccinationâ; je dĂ©crypte le tweet testostĂ©ronnĂ© de Pete qui croit que la femme idĂ©ale nâa pas besoin du droit de voteâ; jâanalyse lâaffirmation de Karen selon laquelle les rĂ©fugiĂ©s se paieraient des Ferrari grĂące aux aides de lâĂtat.
Mon enquĂȘte nâa pas encore abouti⊠mais Ă premiĂšre vue, je dirais que ces gens ont bien Ă©tĂ© finis Ă lâurine.
Jeudi 17 octobre
La mesquinerie de certaines personnes ne cessera jamais de me prendre par surprise : elles passent leur temps Ă se comparer aux autres et ne supportent pas quand ces derniers se trouvent dans des situations diffĂ©rentes de la leur. Les mesquines sont alors prĂȘtes Ă toutes les petitesses si elles sâimaginent quâautrui a une vie meilleure. Ăvidemment, elles ne voient pas leurs propres privilĂšges, et si mĂȘme elles en Ă©taient conscientes, elles trouveraient quâil sâagit lĂ de lâordre naturel des choses.
Je mĂ©prise cette mesquinerie au plus haut point et, si je mâĂ©coutais, je leur gerberais Ă la figure.
Vendredi 18 octobre
Je rĂȘve de soleil et de dĂ©paysement. Vivement que je retourne en ThaĂŻlande ! J'ai besoin de vacances.
Lundi 21 octobre
«âLe plaisir que jâĂ©prouve Ă Ă©crire est maintenant peu de chose ou plutĂŽt il est nul, et je ne trouve plus de charme Ă soumettre ma pensĂ©e aux lois de la mesure [= mĂ©trique], soit parce que, loin dâen avoir retirĂ© aucun fruit, cette occupation fut la source de mes malheurs, soit parce que je ne trouve aucune diffĂ©rence entre danser dans les tĂ©nĂšbres et composer des vers quâon ne lit Ă personne.â»
Ovide, Les Pontiques, IV, 2
Mardi 22 octobre
Le passage dâOvide que jâai citĂ© hier est ainsi traduit par Marie Darrieussecq dans Tristes Pontiques (2008) :
"je me force Ă sortir mes tablettes de cire
mais ma Muse se traĂźne et je n'ai plus de joie
ou disons qu'il est devenu dérisoire
le plaisir que j'avais Ă Ă©crire autrefois
faire plier les mots Ă la bonne mesure
Ă©crire en rythme penser en vers
je n'en tire aucun fruit
j'y vois la cause de mes soucis
Ă©crire sans ĂȘtre lu c'est danser dans le noir
quand on lit à quelqu'un ça résonne ça monte
la gloire pique le désir"
Mercredi 23 octobre
Love in the Big City, lâadaptation du roman de Sang Young Park, est prĂ©sentĂ©e comme lâun des Ă©vĂšnements phare de lâannĂ©e par la communautĂ© internationale du BL.Â
Mais sâagit-il pour autant de Boys' Loveâ?
Stricto sensu (puisque BL veut dire littĂ©ralement «âamour des garçonsâ»), on pourrait dire que oui : la sĂ©rie raconte les amours homosexuelles de Go Young, un jeune corĂ©en qui vit Ă SĂ©oul. Si lâon prend cette dĂ©finition Ă©largie du BL, quasiment toute reprĂ©sentation de deux hommes en train de sâembrasser entre dans cette catĂ©gorie.
Mais, quitte Ă dĂ©plaire Ă certaines Ăąmes sensibles, jâaffirme que Love in the Big Citynâappartient pas au genre polymorphe du BL, mais sâinscrit, au contraire, dans la veine LGBTQ+. Le roman est un pur produit de la littĂ©rature gay. Et si les deux peuvent se chevaucher avec plaisir, il ne faut pas les confondre pour autant.
Jeudi 24 octobre
Je ne le rĂ©pĂšterai jamais assez : le BL (appelĂ© aussi MM ou danmei ou yaoi) est un sous-genre de la romance. Ă ce titre, il doit raconter une histoire dâamour (le plus souvent, une seule) entre deux protagonistes et se terminer de maniĂšre satisfaisante (HEA ou HFN).
La littĂ©rature gay, au contraire, nâest pas limitĂ©e par une sĂ©rie de rĂšgles arbitraires hĂ©ritĂ©es de la romance. Sa seule mission consiste Ă reprĂ©senter lâexpĂ©rience dâĂȘtre gay dans sa diversitĂ©Â : elle ne saurait donc se limiter Ă des histoires dâamour monogame conventionnelles avec une fin heureuse. (Dâailleurs, pendant trĂšs longtemps, la littĂ©rature gay a Ă©tĂ© incapable dâĂ©crire des fins heureusesâ; le mode tragique Ă©tait le seul acceptable.)
Love in the Big City sâapparente au roman dâapprentissage : de relation ratĂ©e en relation manquĂ©e, on assiste Ă lâĂ©volution de Go Young, tout en explorant ses traumatismes. Ici, lâamour apparait comme un Graal inatteignable, et non comme une rĂ©compense inĂ©vitable, tel que câest le cas dans un BL par exemple. MĂȘme si la sĂ©rie se termine sur une note positive, le personnage principal nâa pas pour autant mis fin Ă son cĂ©libat. Si cette histoire Ă©tait un BL, elle trahirait la seule rĂšgle immuable du genre et serait donc un Ă©chec retentissant, ce qui nâest pas le cas, heureusement.
Vendredi 25 octobre
Une derniĂšre note sur Go Young. Jâai parlĂ© hier, en passant, dâĂ©volution du personnage, mais cela mâa dĂ©rangĂ© toute la journĂ©e.
En y rĂ©flĂ©chissant, jâai plutĂŽt lâimpression que le protagoniste nâĂ©volue pas : il fait encore et encore la mĂȘme erreur. Il est incapable de reconnaitre lâamour quand celui-ci apparait dans sa vie. Il semble quâil faille, chaque fois, une catastrophe (suicide, trahison odieuse, dĂ©part pour lâĂ©tranger) pour quâil prenne conscience de lâimportance de ces hommes dans son existence.Â
Câest particuliĂšrement vrai avec la premiĂšre et la derniĂšre relation (je mets de cĂŽtĂ© celle du milieu avec lâhomophobe, qui mĂ©riterait dâĂȘtre analysĂ©e sĂ©parĂ©ment) : il faut un an (un anâ!) Ă Go Young pour comprendre quâil aimait Sim Gyu-ho⊠Il lui faut mĂȘme revenir sur les lieux de sa romance (Bangkok) avec un autre homme pour que ses sentiments lui apparaissent avec clartĂ©. Mais mĂȘme Ă ce moment-lĂ , il ne fait rien pour sauver lâamour quâil a perdu. (Certainement que ses traumatismes sont trop profonds pour quâil comprenne quâil est lâacteur principal de son bonheur.)
Cette passivitĂ© permet une fin douce-amĂšre qui semble convenir davantage Ă un roman de littĂ©rature gay, car cela fait plus sĂ©rieux.Â
It is a truth universally acknowledged that⊠un auteur avec des prétentions littéraires évite les fins heureuses comme la peste. Sang Young Park l'a bien compris.
Mardi 29 octobre
Le changement dâheure perturbe les chats (et leurs maitres), qui viennent rĂ©clamer leur nourriture une heure plus tĂŽt que dâhabitude. Je suis tentĂ© de leur apprendre Ă lire lâhorloge, mais les connaissant, ils seraient capables de commencer leur rĂ©clamation plus tĂŽt encore : il semble que la nourriture nâarrive jamais assez vite dans cette maison, et ce, quelle que soit la saison.
Mercredi 30 octobre
Peut-ĂȘtre arrive-t-il un moment dans notre vie oĂč il nâest plus possible dâaccroitre notre angoisse existentielle. La coupe est pleine, nous avons atteint le point de saturation. Cette annĂ©e, câest ce que les Ă©lections amĂ©ricaines mâinspirent. Pourquoi devrais-je mâangoisser du retour possible de Donald Trump alors que les rues de Valence sont dĂ©vastĂ©es par des inondations mortifĂšresâ?
La maturitĂ©, peut-ĂȘtre mĂȘme la sagesse, consiste Ă accorder, en son for intĂ©rieur, moins de place Ă la folie des autres. LâĂ©tat du monde mâattriste, mais il ne me revient pas de le porter sur mes Ă©paules.
Jeudi 31 octobre
«âRĂ©duisez votre vie Ă ce moment prĂ©cis. Votre situation peut ĂȘtre remplie de problĂšmes â câest le cas chez la plupart des gens â mais dĂ©terminez si vous avez un problĂšme en ce moment. Pas demain ou dans dix minutes, mais maintenant. Avez-vous un problĂšme maintenantâ?â» (Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment prĂ©sent)