Tu peux trouver la version éditée complète de ce journal sur mon site internet.
La version intégrale (fautes et anglicismes inclus) est disponible dans mon jardin numérique, Sylves. La publication s’y fait au jour le jour.
J’applique ici l’orthographe rectifiée (good-bye les petits accents circonflexes !).
So long!
Enzo
Dimanche 01 octobre
L’idéal est l’ennemi de l’artiste, car il est impossible à atteindre. La frustration et l’amertume qu’il suscite ne sont pas de bonnes compagnes d’écriture. Seul devrait importer ce qui est réalisable. (Tel choix est-il meilleur que tel autre ?)
Quand on juge son œuvre, on ne la juge pas par rapport à l’image idéalisée qu’on s’en faisait avant de commencer, mais à travers toutes ces possibilités que l’on a écartées, car elles ne nous semblaient pas convenir sur le moment.
Nos capacités sont limitées. Et notre jugement, s’il ne veut pas être injuste, doit en tenir compte.
La question n’est pas : ai-je écrit le futur Prix Goncourt ?
Mais plutôt : dans les limites de mes capacités actuelles, ai-je fait de mon mieux ?
Lundi 02 octobre
À Sheffield, l’automne est déjà bien installé. Il faut rallumer le chauffage et supporter le raccourcissement des jours. Les arbres commencent à faire leurs adieux à leurs feuilles. Chaque jour, mon humeur évolue de manière subtile. Ma motivation s’amollit et je ne rêve plus que d’une chose : regarder des séries dans mon lit, au chaud.
Mardi 03 octobre
Je sens qu’évolue en moi la définition de ce qui est littéraire. Je me détache petit à petit de l’idée du « bien écrit », de cette vision assez XIXe siècle de la littérature. Je mesure à quel point mes études de lettres ont façonné mon gout et mes attentes dans ce domaine. Mais ma présence en terre étrangère, là où les lectures en français se font rares, me détache petit à petit de certaines attentes sur le style. Je m’anglo-saxonnise pour ainsi dire.
J’attends du français qu’il soit comme l’anglais, c’est-à-dire qu’il permette de décrire l’action avec efficacité et élégance. Malgré ce que certains peuvent en dire, le français demeure une langue rhétorique. D’ailleurs, il suffit de lire un thriller français écrit à la mode américaine pour s’en convaincre : le style est plat. Deux pages de ce régime-là, et on a envie de se tirer une balle.
La phrase naturelle en français est plus longue, plus méandreuse. Il faut souvent des périphrases pour exprimer ce que l’anglais dit en un verbe.
Car la richesse de l’anglais se trouve dans ses verbes et ses prépositions, qui vont droit au but.
Twinkle, sparkle, shine, shimmer, glitter. Get at, get away with, get by, get down, get off, get on, get on with, get out of, get over, get through, get up, get up to. Give up, give in, give away, etc.
Mercredi 04 octobre
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, je n’ai pas une vision essentialiste des langues. Je considère qu’une langue peut tout faire, mais qu’une nation ou une culture, avec le tempérament qui lui est propre, en développe certains aspects et en dénigrent d’autres. Elle forme un gout qui lui est propre. En retour, la langue renforce ces tendances.
Quand je dis que le français est une langue rhétorique et l’anglais une langue d’action, ça ne veut pas dire que l’anglais est incapable d’effets rhétoriques ou qu’on ne saurait agir quand on pense en français.
(Cette affirmation n’a d’ailleurs rien de scientifique. Il s’agit de l’impression de quelqu’un qui a vécu plus d’une décennie dans un pays étranger et dont le quotidien se fait dans les deux langues.)
Je veux dire par là que les attentes ne sont pas les mêmes quand on écrit en français et quand on écrit en anglais. Ce qui est « bien écrit » en anglais peut apparaitre comme pauvre ou de mauvais gout en français. (Pour s’en convaincre, il suffit de lire certaines traductions qui se montrent trop fidèles à l’anglais original et donnent à lire un style tellement pauvre que la lecture en est douloureuse.)
L’universitaire François Grosjean l’a aussi remarqué :
« I quickly realized that my writing style, very much influenced by my years of writing in English, simply had to become more French. I usually write short sentences with few clauses but written French requires far longer sentences with many subordinate clauses. In addition, written French usually takes on an impersonal, rather formal, tone. For example, I simply didn’t feel I could give personal examples the way I do in English. » (A Bilingual Challenge)
Jeudi 05 octobre
Ces derniers jours, je me suis demandé pourquoi je n’écrivais pas davantage en anglais… Pourquoi, dans ma pratique créative, je n’avais pas ajouté cet outil à ma panoplie.
Après tout, j’utilise cette langue au quotidien en contexte professionnel et dans toutes mes interactions avec mon mari. J’écris des centaines d’emails, rédige de la documentation technique, forme des collègues, gère la communication dans mon équipe (appréciez l’ironie de ma situation — moi qui ai été le seul étranger durant longtemps). Mes lectures se font en anglais, même une partie de mes pensées passent par cette langue…
Mais j’ai reçu une éducation française où le « can do » doit céder le pas à la correction irréprochable : ne s’exprime que celui ou celle qui est certain·e de ne faire aucune faute. Je vis encore avec ce carcan mental… Je m’inhibe tout seul. Je n’ose pas (ou très peu) ; je considère que « je n’ai pas le niveau ».
Objectivement, mon anglais est meilleur que celui de nombreux natifs dans certains domaines (étendue du vocabulaire, par exemple, ou connaissances grammaticales) et moins bon dans d’autres (l’intuition de la langue, la manière naturelle et spontanée d’exprimer une pensée, etc.) : bref, rien de plus normal…
Je n’ai pas la prétention de vouloir écrire un roman en anglais, mais je me suis toujours dit qu’écrire de la « non-fiction » était faisable, avec assez de pratique. Beaucoup d’allophones le font déjà, avec un succès certain (je peux citer Anne-Laure Le Cunff dont je lis toujours les newsletters avec beaucoup d’intérêt). Les auteurices exophones existent. Iels sont plus nombreux qu’on ne le pense.
Mais la question demeure : qu’est-ce qui me retient ?
Vendredi 06 octobre
Il faut regarder plusieurs séries romantiques japonaises (souvent d’une qualité discutable — leur imaginaire romantique est vraiment différent du nôtre) avant de trouver la bonne.
Le saut qualitatif peut être immense : on passe d’une simple histoire de boy meets girl avec des tropes chelous à une série mature où tout est montré avec finesse et profondeur, où le jeu des acteurs et la scénographie sont impeccables.
C’est exactement ce que j’ai ressenti hier soir en commençant : Is love sustainable? Je n'ai eu besoin que de la moitié du premier épisode pour prendre conscience que j’avais trouvé un petit bijou, comme seuls les Japonais savent les faire.
Samedi 07 octobre
Ce qui rendait Oxford magique, ce n’était pas seulement ses superbes colleges, ni sa bibliothèque municipale au fond incroyable (je n’ai jamais eu l’occasion d’utiliser la Bodleian, la bibliothèque universitaire d’Oxford), mais c’était son £2 Bookshop (qui est devenu un £3 Bookshop vers la fin) dans New Inn Hall Street, à quelques pas de St Peter’s College.
Pour deux livres sterling (puis trois), on pouvait trouver des livres, invendus ailleurs, souvent de la poésie mais pas seulement, toujours du neuf en excellent état. Quelque chose d’impensable en France avec son prix unique (condamnant des stocks entiers au pilon).
J’ai fait quelques découvertes : la réécriture du Ramayana par Daljit Nagra chez Faber and Faber (£18.99 RRP) ou The Death of King Arthur de Simon Armitage (à l’époque, il n’était pas encore le Poet Laureate, mais il était sur le point de devenir Oxford Professor of Poetry), publié chez le même éditeur (£12.99 RRP). C’est aussi là que j’ai acheté quelques romans d’Alan Hollinghurst. Mon mari y a trouvé ses éditions d’Oscar Wilde.
Au final, le £3 Bookshop a dû fermer ses portes — certainement quand le propriétaire a voulu augmenter le loyer. Il a été remplacé par... un magasin de réparation de téléphone. Une allégorie pour nos temps modernes.
Heureusement, les propriétaires avaient une autre librairie : The Last Bookshop dans le quartier de Jericho, toujours ouverte si j’en crois Google. Pour une raison qui m’échappe, celle-ci m’enchantait moins.
Ma vie à Oxford était loin d’être parfaite : tout y était cher et, par conséquent, on ne pouvait pas y faire grand-chose… Mais j’y ai été très heureux, bien plus heureux que je ne le suis à Sheffield, où la vie est plus douce et les finances meilleures.
Au final, j’en viens à me dire que mon bonheur est proportionnel au nombre de librairies que j’ai autour de moi… Et à ce titre, Oxford, c’était le paradis.
Dimanche 08 octobre
Pour quelqu’un qui va toujours de l’avant, sans jamais se retourner, est-il possible de revenir sur ses pas et retrouver le bonheur qu’il a égaré ?
Lundi 09 octobre
Twitter-X se dégrade. C’est un fait. Muscadet enlève les fonctions utiles les unes après les autres, avec pour objectif clair de rendre l’expérience de l’utilisateurice plus désagréable.
Dernière en date : la disparition des titres d’articles de presse ; seule l’image subsiste. On ne se rend même plus compte que c’est un lien vers un article. Il veut que nous restions sur sa plateforme à tout prix, mais il ne fait rien pour rendre l’environnement agréable.
On se croirait en Angleterre où, depuis le Brexit, la situation empire… À la tête du pays, des proto-fascistes qui n’ont aucune idée de ce que veut dire « servir la Nation ».
Je vois les parallèles entre Twitter et Brexitland… mais si je suis incapable de quitter une plateforme, comment puis-je croire que je quitterai un pays ?
Mardi 10 octobre
Pour l’auteurice, le plus difficile est d’oublier l’inspiration originelle, les reflets chatoyants de son imagination, pour ne juger que le produit final.
Laisser de côté ses envies et ses ambitions. Ne considérer que le texte écrit et ce qu’il raconte. Voir son potentiel, et l’améliorer dans ce sens. Faire le deuil de tout ce que le projet ne sera pas, de toutes ces émotions, ces passions, ces idées qui se seront égarées avant que d’être couchées sur la page.
Accepter que ce monde en technicolor, si beau, si inspirant dans notre esprit, ne puisse être traduit qu’en nuances de gris.
Mercredi 11 octobre
J’admire celleux qui ont un boulot alimentaire et savent s’en satisfaire. Ils privilégient leurs loisirs ou leur famille. Le reste n’a pas d’importance.
J'en suis incapable. Je ne peux pas ignorer sept heures de ma journée : j’ai besoin que mon travail me stimule, sans quoi je me désespère rapidement.
Je pourrais me concentrer entièrement sur ma carrière d’écrivain auto-édité. Mais je n’aime pas mettre tous mes œufs dans le même panier.
Peut-être suis-je trop ambitieux. Je veux tout : un métier épanouissant et une activité artistique florissante.
J’ai fini par comprendre que l’un ne deviendrait jamais l’autre et qu’il me faudrait toujours travailler en parallèle de mon écriture. Mais il est hors de question que je privilégie l’un par rapport à l’autre.
Est-ce cela qu’on appelle courir plusieurs lièvres à la fois ?
Jeudi 12 octobre
La passion amoureuse n’est pas la base d’une relation durable. C’est ce qui disparait le plus vite. Vaut mieux chercher la compréhension et la collaboration : l’amour, avant tout, est un partenariat.
Mon couple m’apaise. Je suis moins inquiet depuis que je suis avec mon mari. Nous avons chacun nos habitudes. Nous faisons même chambre à part la plupart du temps. Notre relation ne ferait certainement pas rêver les lecteurices de romance. Mais le partenariat fonctionne : à deux, nous sommes plus solides, nous allons plus loin.
Comme je considère que l’amour est périssable, je ne sais pas si nous resterons ensemble toute notre vie. Mais les années que nous aurons passées côte à côte auront été confortables, sans trop de disputes, avec beaucoup de complicité… Nous aurons été d’excellents compagnons de route, qui avaient pour seule mission de rendre le voyage (pour l’autre et pour soi) plus agréable.
Vendredi 13 octobre
Il arrive un moment où un acteur de BL ne peut plus jouer le rôle d’un adolescent. Singto est un bon exemple. À 29 ans, on devrait arrêter de lui proposer ce type de projet.
Je sais que le BL n’a pas vocation à être réaliste, mais quand même…
Évidemment, le problème se retrouve aussi chez les Américains… Tous ces adultes bodybuildés qui voudraient nous faire croire qu’ils ont seize ans ! Sait-on encore à quoi ressemble un vrai adolescent ?
Donnez donc leur chance à de jeunes acteurs…
Samedi 14 octobre
Malgré le soleil resplendissant, les températures sont tellement fraiches (comprendre : froides) que c’est un weekend à passer sous la couette.
J’ai donc acheté Arthur and Teddy Are Coming Out de Ryan Love, qui me faisait de l’œil depuis sa sortie en grand format en avril dernier.
Ce roman raconte l’histoire d’un grand-père et d’un petit-fils sur le point de faire leur coming out à leur famille. Ce n’est pas une romance gay, mais plutôt une tranche de vie familiale. Un roman feel-good, qui finit bien. Original aussi, car l’un des protagonistes a 80 ans : les séniors sont sous-représentés en littérature (surtout dans la littérature gay !).
J’ai passé une excellente après-midi à lire ce premier roman de Ryan Love. Malheureusement, la fin n’est pas aussi bien réussie que le reste du roman : c’est assez brouillon… La storyline d’Arthur est parfaite, mais celle de Teddy part dans tous les sens. On pourrait argumenter qu’elle est à l’image de la vie : méandreuse, incertaine, avec de nombreux ratés… mais, dans ce cas, je pense plutôt que l’auteur n’était pas en maitrise de son intrigue. A-t-il manqué d’inspiration ? Avait-il une deadline qui l’a obligé à tout finir rapidement ?
Quoiqu’il en soit, Ryan Love s’affirme comme un auteur prometteur de littérature gay, et je lirai certainement son prochain roman.
Dimanche 15 octobre
Straight as a Jalebi est une romance gay de de Ritu Bhatal, une autrice anglaise d’origine indienne. Il s’agit du second tome de sa série Rishtay, publié en juin 2023. Le troisième tome est prévu pour l’année prochaine.
Si le premier roman de la série suivait Aashi, la seule fille de la famille, le second tome a pour personnage principal Sunny (son frère ainé) et Milan, un riche designer de New Delhi. L’action se passe en 2000, entre l’Angleterre et l’Inde.
Je me plains régulièrement de l’aspect très générique des romances MM : quand on en lit beaucoup, les personnages, les lieux et les situations deviennent interchangeables. Beaucoup de romances sont identiques, un peu creuses. Aussitôt lues, aussitôt oubliées.
Straight as a Jalebi fait office d’exception à la règle : cette histoire, très bien écrite, est originale. Elle dépeint la communauté indienne de Birmingham au début du nouveau millénaire. Elle introduit ses lecteurices dans un monde que l’on voit trop rarement représenté dans les romances. Avec beaucoup d’humour et d’amour, elle montre la vie de ces familles d’immigrés, de ces jeunes générations qui doivent apprendre à composer avec les mariages arrangés et les traditions farfelues de leurs parents, oncles et tantes.
Nous vivons un moment de notre histoire où certains proto-fascistes affirment que le multiculturalisme en Angleterre est un échec. Voilà une romance qui, véritable doigt d’honneur fait à notre ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, rappelle que la société anglaise, avec ses nombreuses communautés d’immigrés, est riche de cette diversité. And we are all the better for it.
Lundi 16 octobre
C’est évidemment le plus difficile : écrire une romance dont les personnages, les lieux et les situations soient assez originaux pour laisser une impression durable chez les lecteurices.
Une histoire qui, si on changeait tel ou tel élément, ne tiendrait plus la route. Combien de romances ai-je lu qui, se passant à New York, auraient pu avoir pour cadre une métropole sans nom ?
De même pour la personnalité des protagonistes. Certes, c’est mieux quand les lecteurices s’identifient à l’un ou l’autre, voire les deux… mais ce n’est pas une excuse pour écrire des personnages en carton-pâte, tellement fades qu’ils en deviennent génériques. Je veux les sentir vivre sur la page. Les aimer. Les haïr. Savoir instinctivement qu’ils ne pourraient pas être les protagonistes d’une autre histoire.
Mardi 17 octobre
Il me semble qu’il existe une règle implicite à toutes les littératures de genre : la variété (ce que certain·es appellent aussi l’originalité).
À partir d’une série d’aliments imposés (les tropes du genre), l’auteurice cuisine une histoire qui doit, à la fois, être familière et originale.
Mais après la lecture de Straight As a Jalebi, il me parait évident que le genre de la romance propose toujours le même type de personnages : des hommes blancs, (très) riches et (très) beaux.
Le but, c’est de vendre du fantasme. Il est donc normal qu’un certain type de protagonistes s’impose… Mais on peut s’étonner que la romance gay ne soit pas plus diverse que ça. Il existe des exceptions, évidemment, mais c’est ce qu’elles sont : des exceptions.
Des romances qui se passent dans d’autres cultures, ou avec des personnages issus d’autres cultures, sont assez rares. Je n’invite pas mes collègues à faire de l’appropriation culturelle. Non, mais on est en droit de se demander pourquoi nous n’avons pas davantage d’auteurices qui viennent de milieux sociaux et ethniques plus variés.
Alors qu’on dit que l’amour est universel, pourquoi ne représentons-nous qu’un seul type d’amour ? Pourquoi nos personnages sont-ils les plus beaux, les plus riches, les plus accomplis ? Où se trouve la diversité ?
Je suis de celleux qui écrivent ce genre de personnages. Je ne jette donc pas la première pierre. Mais je m’interroge…
Mercredi 18 octobre
De la même manière que la Fantasy dépeint un monde ultra-conservateur, le plus souvent aristocratique, la romance gay sert d’outil de propagande à l’hétéronormativité, qui place les relations de couple exclusives au centre de ses préoccupations. C’est ce qu’on pourrait appeler une « romance simili-queer » : c’est gay, ça s’enrubanne des couleurs de l’arc-en-ciel, mais le message principal reste hétéro.
Jeudi 19 octobre
Je suis un écrivain (et un lecteur) impatient : je ne supporte pas les longueurs. Je ne sais pas prendre mon temps. Ça doit aller droit au but. Ce qui est un problème quand je dois mettre en place l’intrigue, point par point.
Vendredi 20 octobre
Grâce à ma boulimie de lectures actuelle, je me tiens éloigné de Twitter-X…
Je pourrais presque m’en passer.
Ces dernières semaines, sans la communauté du BL asiatique, je n’aurais eu aucune raison de visiter la plateforme.
Est-ce la fin de ma présence sur Twitter ? Pas encore, mais je sens que ce moment fatidique approche… Avec Muscadet aux manettes, ce n’était qu’une question de temps avant que cela n’arrive.
Samedi 21 octobre
Homme de peu de foi, si je devais choisir entre un mariage civil et un mariage religieux, mon choix serait vite fait. (Évidemment, en France, on ne choisit pas : le passage à la mairie est obligatoire et le seul qui compte aux yeux de l’État. Mais ce n’est pas le cas en Angleterre.)
Certes, une église, un temple ou une cathédrale offrent un cadre plus impressionnant qu’une mairie, mais ce qui rend ces lieux si spéciaux, c’est la foi des croyants. Et quand on n’en a pas, la magie n’opère pas. Il n’y a aucune émotion à voir un couple prononcer des vœux de noces devant un dieu, quand on ne croit pas en lui.
Peut-être serait-ce différent si la religion en question m’était plus ou moins inconnue, si son aspect mystérieux renforçait l’impression de sacré… Un peu comme quand on visite un temple bouddhiste ou un sanctuaire shinto. Mais le catholicisme me laisse froid comme une église.
Dimanche 22 octobre
Cette chatte, qui souffre du coryza et qui vit dans le hameau familial, est la plus laide qui existe, car elle ne peut pas nettoyer son pelage… Elle qui était naturellement blanche, la voilà grise et marron. Sa respiration est difficile, mais ça ne l’empêche pas de ronronner… Elle semble ne vivre que pour deux choses : la nourriture et les câlins.
Mais, comme elle pue, personne ne veut la toucher… Sweet tragedy.
Lundi 23 octobre
Un jour, j’écrirai certainement une romance gay où le personnage principal est laid. La plupart des romances nous vendent des hommes parfaits, à la beauté sculpturale, tout en nous faisant croire que c’est la beauté intérieure qui compte (LOLZ).
Mais quid des autres ? Les moches, les médiocres, les malaimés ? Pourquoi n’ont-ils pas droit à leur histoire ? Pourquoi les relègue-t-on au rang de personnages secondaires, à peine bon pour jouer le rôle du best friend ?
Ne serait-il pas plus rassurant pour le lecteur lambda, celui qui ne se sent pas beau, de se voir représenté sur la page ?
Mardi 24 octobre
La plus grande tragédie de ma vie d’auteur aura été la suivante : je ne peux écrire mes histoires aussi vite que je lis celles des autres.
Lecteur-baleine, j’aimerais être un écrivain-baleine : produire des milliers de mots par jour, ne faire que ça de mon existence, tout le temps, sans pause. Je me fantasme en auteur prolifique. Je voudrais être un polygraphe névrosé qui a besoin d’écrire pour exister… mais la réalité ne saurait être plus différente : je vis très bien sans écrire. Je peux passer des années sans en éprouver le besoin.
Je pourrais dire que je préfère la qualité à la quantité, mais ce serait mentir : je suis juste très lent… Ce n’est pas pour rien si, pendant plusieurs années, j’ai animé un site culturel qui s’appelait « les Plumes Asthmatiques ».
Mercredi 25 octobre
Après dix mois d’écriture quotidienne, je sèche un peu. Trouver des sujets pour ce journal est devenu laborieux. À moins que ce ne soit l’arrivée de l’automne. Je me referme comme une feuille sur le point de tomber de sa branche.
C’est là qu’une IA serait la plus utile : pour me suggérer des idées de réflexions… et aussi pour veiller à ce que je ne me répète pas. Comme je ne me souviens jamais de ce que j’ai écrit la semaine précédente, j’ai toujours la crainte de ressasser les mêmes choses, encore et encore.
C’est en écrivant au quotidien que je me m’aperçois que je ne suis guère original : je retrace toujours les mêmes chemins. Je vis avec une dizaine d’idées dans la tête. Et c’est tout. Évidemment, mon cerveau s’illusionne et croit qu’il en produit des centaines par jour, mais, en réalité, quand je les couche ici, leur nombre se réduit comme une peau de chagrin.
Jeudi 26 octobre
Je vais reprendre l’écriture de ma nouvelle/novella aujourd’hui après une dizaine de jours de pause. Si je pouvais, je pense que je procrastinerais davantage…
La résistance est à l’œuvre, tout est bon pour ne pas toucher à son manuscrit.
Le plus dur est de s’y remettre. La crainte de ne pas y arriver est absurde ; il ne faut pas l’écouter. L’expérience montre qu’elle n’a aucun fondement, mais ça ne l’empêche pas de présenter le bout de son nez.
Vendredi 27 octobre
J’admire celleux qui privilégient leur carrière artistique à leur carrière professionnelle, voire qui font de leur art leur métier principal, malgré l’incertitude et, il faut bien le reconnaitre, la pauvreté qui s’attachent à un tel choix.
J’en suis incapable. J’ai besoin de savoir que mes efforts n’auront pas été faits en vain… qu’on finira par les reconnaitre. Peut-être pas à leur juste valeur, il est vrai, mais peu importe.
Le succès en Art n’est jamais garanti. On ne récompense pas les efforts ni l’éthos de l’artiste… même pas le temps passé à créer l’œuvre. La chance est un facteur plus important encore que la qualité ou le talent. Il faut être au bon endroit, au bon moment.
Samedi 28 octobre
Une romance réaliste se lit plus facilement que… disons… de la fantasy. Quitte à m’attirer les foudres de mes collègues, je peux même affirmer que c’est plus facile à écrire. Du moins, pour ce qui est de l’intrigue. Après tout, boy/girl meets girl/boy, ça ne casse pas trois pattes à un canard.
D’ailleurs, que ce soit dans mes lectures ou dans mes visionnages, je sais vers quel genre je me tourne habituellement quand je ne veux faire aucun effort (c’est-à-dire les trois quarts du temps) : la romance réaliste ne me prend jamais la tête.
Ça se comprend ; pas besoin de retenir des pans entiers de l’intrigue, contrairement à… une romance fantastique, qui est bien plus plot-heavy (comme on dirait de mon côté de la Manche).
Dans mon cas, c’est plus évident encore avec le petit écran : je finis très rarement les séries fantastiques ou historiques. Trop d’effort pour glaner les indices et retenir les éléments du world-building. Mon attention finit par faillir ; mon intérêt se fane.
Il faut que la qualité soit vraiment mauvaise pour que la même chose arrive avec une romance réaliste contemporaine.
Cet état de fait ne cesse de me surprendre (et de me désoler) : j’ai été un lecteur avide de SFFF pendant longtemps. J’ai développé les compétences nécessaires à la navigation des genres de l’imaginaire… L’effort ne devrait donc pas me couter.
Dimanche 29 octobre
Entre hier et aujourd’hui, j’ai lu les trois premiers tomes de la série Shadows of London d’Ariana Nash (de la fantasy urbaine autopubliée).
Je suis impressionné par la qualité du récit. Ce n’est pas un coup de cœur de lecteur, même si j’ai passé d’excellents moments de lecture, mais un coup de cœur d’écrivain.
Voilà à quoi on reconnait une pro de l’écriture. Ses scènes sont maitrisées. L’intrigue avance de manière rythmée. Tout semble naturel, rien n’est forcé. Il y a un équilibre parfait entre descriptions et dialogues.
(En général, nous autres écrivains sommes coupables d’utiliser l’un ou l’autre pour faire avancer nos récits — dans mon cas, ce sont les dialogues.)
Comment arrive-t-elle à ce résultat ? Je n’en ai aucune idée… J’en serais presque jaloux. J’ai essayé d’analyser la construction du récit pendant que je le lisais (comme je fais souvent), mais je n’ai pas réussi à repérer les ficelles. Une seconde lecture s'impose donc.
Lundi 30 octobre
Je réfléchis à la différence entre auteur amateur et auteur professionnel…
On lit beaucoup, ici et là, que c’est une question de mentalité : la pro prend son écriture très au sérieux, même quand elle n’en a pas envie.
Ce qui est vrai… mais la vraie différence, c’est que la pro a le temps de pratiquer très souvent, ce qui n’est pas le cas de l’amateur (c’est-à-dire celui qui ne vit pas de sa passion et qui a un autre métier pour payer les factures). Cette différence me semble plus importante que la mentalité : faber fit fabricando, practice makes perfect, c’est en écrivant qu’on devient écrivain.
On comprend qu’un athlète soit meilleur qu’un sportif du dimanche… C’est pareil en art : celle qui est capable de pratiquer, au quotidien, avec intention, progresse plus rapidement que celui qui ne dispose ni du temps ni de l’attention nécessaire, et qui case son écriture là où il peut dans son emploi du temps.
Mardi 31 octobre
On peut approcher l’auto-édition comme un jeu, ou une expérience scientifique. On teste ceci, on ajuste cela… et on finit par comprendre comment ça marche. Plus ou moins.
C’est encore plus vrai quand on publie deux à trois romans par an : seules des itérations rapprochées dans le temps permettent de comprendre les règles du jeu et de suivre leur évolution.
La situation devient plus délicate quand on sort un livre tous les deux ans. Les règles ont changé, personne ne nous a mis au courant. Ce qui a marché avec le livre précédent ne marche plus. On repart de zéro. On rame.
L’amatrice en autoédition est donc condamnée à claudiquer d’une publication à l’autre, avec l’impression qu’elle a un train de retard. Voire deux.