Journal - novembre/décembre 2023
OĂč Enzo coupe, coupe, coupe pour publier deux mois de Journal...
Tu peux trouver la version éditée complÚte de ce journal sur mon site internet.
La version intĂ©grale (fautes et anglicismes inclus) est disponible dans mon jardin numĂ©rique, Sylves. La publication sây fait au jour le jour.
Jâapplique ici lâorthographe rectifiĂ©e (good-bye les petits accents circonflexes !).
Je te souhaite une excellente nouvelle annĂ©e. Puisse 2024 tâĂȘtre douce et bienveillante.
So long!
Enzo
Dimanche 05 novembre
Avec mon caractĂšre obsessionnel, il mâarrive de faire un marathon oĂč je regarde plusieurs sĂ©ries dâun mĂȘme acteur. Ce week-end, câĂ©tait le beau TaĂŻwanais Fandy Fan (èć°ćł), que jâavais dĂ©couvert il y a quelques annĂ©es dans History 2.
Petit marathon qui nâa consistĂ© que de deux sĂ©ries : The Way You Shine (2023) et More than Blue (2021).
More Than Blue Ă©tait dans ma liste des sĂ©ries Ă regarder, mais cela faisait plusieurs mois que je retardais ce moment fatidique, et Ă raison : le trailer Ă©tait extrĂȘmement triste. Je savais donc que jâallais ĂȘtre bouleversĂ©Â : câĂ©tait une histoire dâamour qui finirait mal (le protagoniste succombant Ă une leucĂ©mie)âŠ
Mais en rĂ©alitĂ©, la sĂ©rie est bien plus riche que cela, lâĂ©criture tout aussi remarquable que le jeu des acteurs. On suit deux histoires en parallĂšle : un producteur de musique (Po Han) et son assistante (Yi Qi) recherchent le copyright dâune chanson quâon leur a envoyĂ©e⊠Ils apprennent que le compositeur (K) et la paroliĂšre (Cream) sont dĂ©cĂ©dĂ©s quelques annĂ©es plus tĂŽt et quâil sâagit de leur derniĂšre collaboration. K est mort de la leucĂ©mie et Cream se serait suicidĂ©e quelque temps plus tard. Personne ne sait qui dĂ©tient le copyright de la chanson. Po Han et Yi Qi mĂšnent donc lâenquĂȘte. TrĂšs vite, ils parviennent Ă mettre la main sur le journal de K⊠Et la sĂ©rie alterne donc scĂšnes du passĂ©, qui nous montrent lâhistoire dâamour de K et de Cream, et le prĂ©sent oĂč lâon suit la relation naissante entre Po Han et Yi Qi. Chaque couple doit faire face Ă la tragĂ©die. Chaque Ă©pisode nous dĂ©chire le cĆur et nous le rafistole. On pleure mais on rit aussi. Câest extrĂȘmement cathartique.Â
Lâhistoire de K et de Cream est semblable Ă la peau dâun ognon : chaque Ă©pisode explore une couche de cette Ă©mouvante tragĂ©die, et, Ă chaque fois, nous devons rĂ©Ă©crire, rĂ©Ă©valuer ce que lâon savait de leur histoire. Dans More Than Blue, rien nâest jamais ce quâil parait. Mais malgrĂ© leurs faux-semblants, les personnages sont honnĂȘtes : la puissance de leurs sentiments ne ment jamais.Â
Fandy Fan est sublime dans le rĂŽle de K. Mais les autres acteurices sont tout aussi bouleversant·es : Ivy Shao est dĂ©chirante dans le rĂŽle de la mĂšre cĂ©libataireâ; Eleven Yao et Figaro Tseng (le troisiĂšme couple) nous troublent par leurs dĂ©sirs, tantĂŽt Ă©goĂŻstes, tantĂŽt altruistes. Le jeune acteur Bai Run Yun, qui joue Ke Le, nous fait sentir la peur enfantine de la mort et impressionne par son jeu dĂ©jĂ mĂąture.
Cette sĂ©rie est une adaptation dâun film CorĂ©en du mĂȘme nom, sorti en 2009.
Vendredi 10 novembre
Jâai lu une romance autopubliĂ©e et Ă©crite en français par une autrice dâorigine amĂ©ricaine qui vit depuis plusieurs annĂ©es en France. LâexpĂ©rience est intĂ©ressante, car elle montre Ă quel point le «âbon usageâ» du français (je mets ici les guillemets qui sâimposent) rend lâĂ©criture romanesque difficile.Â
Cette autrice a un niveau qui ferait certainement rougir certain·es auteur·ices francophones que jâai pu lire ces derniĂšres annĂ©es, si iels Ă©taient seulement capables de prĂȘter attention Ă leur outil dâĂ©criture principal et dâĂ©prouver de la honte, ce dont on peut douter.Â
Sa grammaire Ă©tait impeccable, mais le choix des mots dans certains cas nâĂ©tait pas le plus indiquĂ©. Mon cerveau corrigeait automatiquement ces «âfautes de styleâ» en supplĂ©ant tantĂŽt un verbe, tantĂŽt un adjectif⊠Jâai regrettĂ© quâelle nâait pas eu un relecteur plus attentif ou plus entreprenant : le but nâĂ©tait pas de rĂ©Ă©crire le texte entiĂšrement, mais de suggĂ©rer ici et lĂ une expression plus courante en contexte littĂ©raire. La correction grammaticale ne fait pas toutâ; ce sont lĂ les limites dâun outil comme Antidote.
Comme il ne sâagissait que dâune novella⊠jâai dĂ» relever une vingtaine de «âmaladressesâ» (qui nâĂ©taient pas le genre de maladresses stylistiques quâun·e auteurice francophone aurait faites, prĂ©cisons-le).
Parmi celles-ci, un seul «âĂ©cartâ» (par rapport Ă la norme/lâusage) Ă©tait stylistiquement intĂ©ressant : voilĂ pourquoi jâaimerais lire davantage dâauteurices exophones â leur usage neuf du français fait, Ă lâoccasion, des merveilles.
Samedi 11 novembre
LâentrĂ©e dâhier nâa pas pour but de critiquer cette autrice, qui a mĂ©ritĂ© mon plus profond respect, mais de montrer Ă quel point la pratique du français «âlittĂ©raireâ» peut sâavĂ©rer hasardeuse.Â
Il existe une «âjurisprudence du bon goutâ», dĂ©veloppĂ©e sur plusieurs siĂšcles, qui influence encore de nos jours notre maniĂšre dâĂ©crire. Nous mettons des annĂ©es Ă lâacquĂ©rir inconsciemmentâ; il faut lire des centaines et des centaines de romans. Certain·es le font avec application et intĂ©rĂȘt tandis que dâautres la rejettent avec plus ou moins de force, ou repoussent les limites de ce qui est jugĂ© convenable, par esprit de modernitĂ© ou par rĂ©bellion.
Nous interprĂ©tons tous cette «âjurisprudenceâ» (lâusage littĂ©raire de la langue), que nous le voulions ou non⊠et notre maniĂšre de lâappliquer constitue notre style (ici, au sens microscopique â comment nous Ă©crivons nos phrases).
Puisque je suis Français, jâai lâimpression que le poids de cette jurisprudence est plus pesant que⊠disons⊠son Ă©quivalent anglais. Le milieu littĂ©raire francophone porte une attention dĂ©mesurĂ©e et malsaine au style (j'en suis le premier atteint, comme le dĂ©montre ces entrĂ©es). Personne ne sera surpris, ou ne me contredira, si jâaffirme quâil existe un culte du style dans lâHexagone.Â
Il doit exister un Ă©quivalent de cette «âpolice du styleâ» en anglais, mais elle me semble moins puissante. Mais qui suis-je pour jugerâ? Je ne suis pas un natif et je ne frĂ©quente que les littĂ©ratures de genre⊠qui sont les fers de lance de lâĂ©dition commerciale et les ennemis naturels de la «âgrande littĂ©ratureâ» avec une majuscule, la vraie, l'ennuyeuse.
Dimanche 12 novembre
Quand nous jugeons de la qualitĂ© stylistique dâun ouvrage, nous confondons correction et Ă©lĂ©gance. «âCette phrase nâest pas correcteâ» dirons-nous dâune expression que lâon emploie tous Ă lâoral mais que lâĂ©cole a essayĂ© de chasser de lâĂ©crit.
Je pense que cette confusion nâest pas un hasard : notre systĂšme pĂ©dagogico-culturel fait tout son possible pour lâentretenir. Parler dâĂ©lĂ©gance renvoie au gout⊠Or, nous savons quâil nây a pas plus subjectif que les gouts et les couleurs. Au contraire, parler de correction semble objectif. Câest blanc ou noir. Câest correct ou ça ne lâest pas. Les rĂšgles sont claires sur le sujet.
Ce qui dĂ©termine la correction, câest lâusage gĂ©nĂ©ral que la population fait de sa langue Ă travers le temps. Ce qui dĂ©termine lâĂ©lĂ©gance, câest lâusage dâune minoritĂ© qui sâest appropriĂ© ce droit.
«âMange Pierre le chatâ» est incorrect, car le français suit principalement le modĂšle SVC â sujet verbe complĂ©ment.
Dire que «âprĂȘter attentionâ» est mieux que «âfaire attentionâ» relĂšve du subjectif⊠De mĂȘme quâaffirmer quâil faut prĂ©fĂ©rer «âen revancheâ» à «âpar contreâ».
Distinguer correction et Ă©lĂ©gance nous permet donc de mettre au jour tout ce qui relĂšve du subjectif, de l'arbitraire, mais voudrait se faire passer pour des vĂ©ritĂ©s objectives. Cela nous donne davantage de liberté⊠Peu importe si, au final, nous dĂ©cidons de suivre le «âbon goutâ» Ă la française ou pas.
Lâessentiel, en tant quâauteurices, câest de pouvoir utiliser notre outil principal, câest-Ă -dire notre langue, le plus librement possible, loin des dĂ©cisions arbitraires d'un groupuscule de pĂ©dants germanopratins.
Mardi 14 novembre
En ce moment, je lis la sĂ©rie Love, Austen dâAnyta Sunday, une autrice nĂ©ozĂ©landaise de romances MM. Chaque volume rĂ©Ă©crit un roman de Jane Austen. Je prends beaucoup de plaisir Ă plonger dans les histoires de cette autrice que jâai dĂ©couverte en 2020 et qui est rapidement devenue lâune de mes Ă©crivain·es prĂ©fĂ©ré·es.
Ăa fait plusieurs annĂ©es que je veux, moi aussi, rĂ©Ă©crire un ou plusieurs classiques⊠Mais les plus cĂ©lĂšbres ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© faits plusieurs fois⊠Il doit y avoir des dizaines de rĂ©Ă©critures queers de RomĂ©o & Juliette. TantĂŽt mon cĆur penche vers des classiques antiques (peut-ĂȘtre lâEnĂ©ide ou les MĂ©tamorphoses), tantĂŽt il voudrait faire comme les autres (les classiques du XIXe anglais sont plus fun Ă adapter)âŠ
Quels sont les classiques français que jâaimerais rĂ©Ă©crireâ? Il nây en a pas tant que ça⊠Peut-ĂȘtre les Liaisons Dangereuses (mais nâest-ce pas archifaitâ?!)⊠Des piĂšces de Racine (elles-mĂȘmes des rĂ©Ă©critures de la matiĂšre antique)⊠ou de MoliĂšre (quand je suis dâhumeur plus lĂ©gĂšre). Peut-ĂȘtre du Dumasâ? Il est certain que nous nâavons pas une Jane Austen française (ou si elle a jamais existĂ©, le patriarcat sâest empressĂ© de nous la faire oublier). Je ne me verrais pas rĂ©Ă©crire du Balzac, du Hugo ou du Zolaâ! Peut-ĂȘtre faudrait-il chercher du cĂŽtĂ© de la littĂ©rature populaire, qui a dĂ©jĂ bien inspirĂ© les anglophones : Jules Verne, EugĂšne Sue, Maurice Leblanc, Gaston Leroux, etc.
La rĂ©Ă©criture est un acte dâamour, soit envers le(s) personnage(s), lâĆuvre littĂ©raire ou lâauteur. Il y a peu dâĆuvres françaises (aucuneâ?) qui mâinspirent une telle passion. Câest Ă se demander pourquoi jâai fait des Ă©tudes de lettres.
Dimanche 19 novembre
Ă quoi reconnait-on un monde oĂč les inĂ©galitĂ©s vont grandissantâ? Au fait que les milliardaires ont remplacĂ© les millionnaires dans les romances.Â
Câest terrible, on nâen parle pas assez : les millionnaires sont devenus une espĂšce menacĂ©e. On nâen trouve presque plus. Ils ne font plus rĂȘver : pour un peu, on les croirait pauvres.
«âMilliardaireâ» est donc le nouveau mot tendance qui cristallise les fantasmes de notre Ă©poque, si bien quâon le met Ă toutes les sauces. Le protagoniste est un gĂ©nie du businessâ? Câest un milliardaire. Il fait partie dâune famille puissante et influenteâ? Câest un milliardaire. Il est jeune et sexyâ? Câest un milliardaire.
Certain·es auteurices semblent incapables de comprendre ce qui se cache derriĂšre ce mot. Par exemple, on ne devient pas milliardaire en dix ans Ă peine quand on est vraiment parti de rien (Ă moins dâĂȘtre un gangster de premiĂšre classe).Â
Certains milliardaires que lâon dĂ©couvre dans les pages des romances ne sont que des millionnaires dĂ©guisĂ©s. Leur train de vie nâest pas celui des 1 %, mais ce nâest pas grave : si la romance se voulait rĂ©aliste, ça se saurait.
Quand on voit qui sont les milliardaires dans le monde rĂ©el, comment ils se sont enrichis dans certains cas (dodgy, dodgy, dodgy), jâai du mal Ă voir comment ils peuvent nous faire fantasmer. I mean⊠Elon Muskâ? Jeff Bezos? Mark Zuckerbergâ? Bernard Arnaultâ! Yes, please, choke me, daddy.
Vendredi 24 novembre
Lâautre jour, je suis retournĂ© sur Brain Pickings (renommĂ© The Marginalian il y a quelques annĂ©es), le site de Maria Popova.Â
Il y a dix ans, jâĂ©tais un lecteur assidu et admiratif, mais jâai fini par dĂ©velopper une allergie. De nos jours, jâai Ă peine fini de lire un paragraphe que je veux dĂ©jĂ la claquer.Â
Ne sait-elle pas faire des phrases simples et clairesâ?Â
Je me mĂ©fie de ces textes Ă©crits «âavec styleâ», oĂč les mots nobles et les tours de phrase recherchĂ©s cachent, en rĂ©alitĂ©, assez mal la vacuitĂ© de la pensĂ©e. Je nâaime pas ce style fumeux, qui ne parvient quâĂ nous faire tousser Ă la lecture.
«âEvery year in the decade since, I have added one new learning and changed none of the previous. (It can only be soâââa person is less like a star, whose very chemistry, the source of its light, changes profoundly over its life-cycle, and more like a planet, like this planet, whose landscape changes over the ages but is always shaped by the geologic strata layered beneath, encoding everything the planet has been since its birth.)â»Â
Bla bla bla. Je nâaime pas les styles grandiloquents.
*
LĂ oĂč Maria Popova force lâadmiration, toutefois, câest avec son projet lui-mĂȘme et sa longĂ©vitĂ©Â : cela fait 17 ans quâelle publie sur ce site â lisant des centaines, voire des milliers de livres par anâŠÂ
Câest dommage que nous nâayons pas un Ă©quivalent francophone⊠Ceci sâexplique peut-ĂȘtre par le fait quâil serait impossible dâen vivre de notre cĂŽtĂ© de lâAtlantique.
(Julien Simon sây Ă©tait essayĂ© sur son site Page 42, mais il nâĂ©tait pas allĂ© au-delĂ de quelques articles. Câest bien dommage.)
Personnellement, jâen serais incapable : je nâaime pas prendre de notes⊠et jâai bien peur que ça soit la base de ce travail de curation et de prĂ©sentation.
Samedi 25 novembre
Le terminal 2 de l'aĂ©roport d'Heathrow mâa offert lâexpĂ©rience dâembarquement la plus agrĂ©able de tous les aĂ©roports que jâai jamais visitĂ©s. Surtout les contrĂŽles de sĂ©curitĂ©Â : jâai eu lâespace et le temps nĂ©cessaires. Ă aucun moment nâai-je Ă©tĂ© stressĂ©. Si on me lâavait dit, je ne lâaurais pas cru.
Malgré le monde, le terminal était calme : habituellement, les sons rebondissent en une cacophonie épuisante. Comme dans les gares. Là , visiblement, ils ont tout fait pour minimiser les échos. Un vrai luxe.
Tout cela a fait que, lorsque notre vol a Ă©tĂ© retardĂ© dâune demi-heure, jâĂ©tais zen. Comme sur un petit nuage. Il faut dire, aussi, que j'avais passĂ© une heure en compagnie de David Tennant et de Catherine Tate...
Dimanche 26 novembre
Londres â Bangkok
Heureusement quâon finit par retourner lĂ dâoĂč lâon vient, sinon on perdrait sept heures de notre vie. Paf. Merci, au revoir.Â
Câest peut-ĂȘtre ce qui perturbe le plus notre corps : lâangoisse de ne jamais retrouver ces sept heures. OĂč sont-elles passĂ©esâ? Bim, le jet-lag.Â
Et on reste Ă©veillĂ© au milieu de la nuit Ă se poser cette question⊠Que se passerait-il si on ne les rĂ©cupĂ©rait jamaisâ?
Lundi 27 novembre
Dodo. RĂ©veil. Ce nâest pas le matin, câest mĂȘme pas minuit. Nuit blanche. On se rendort Ă l'aube. Lâalarme sonne trop vite. Il faut aller petit-dĂ©jeuner. Sieste post-jentaculaire⊠(mais Ă quoi pensez-vous, petits coquinousâ?!) Puis, lâesprit groggy, on est enfin prĂȘt Ă faire face Ă la chaleur et Ă la foule de Bangkok.
*
Aujourdâhui, le programme est trĂšs culture : nous allons faire les centres commerciaux du coin. Il y en a trois enfilĂ©s comme des perles (Siam Paragon, Siam Center et Siam Discovery) Ă une station en skytrain de lĂ oĂč nous logeons.Â
Quel plaisir dâĂȘtre en terrain connu : outre les marques de luxe, on retrouve Yves Rocher, Muji, Uniqlo, Mango, Starbucks, McDo, etc. Quant aux affiches publicitaires, les visages ont un air familier : ce sont des acteurs issus du BL.
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Peut-ĂȘtre quâil faudra repasser pour le dĂ©paysement⊠Mais au lieu de mater le cul des Occidentaux, on peut mater celui des locaux (et des touristes). On ne sait oĂč donner de la tĂȘte. En plus, il fait chaud ; les hormones sâaffolent vite.Â
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Et puisque je parle de nourriture pour les yeux, parlons de la nourriture pour lâestomac : nous avons mangĂ© Ă Veganerie Soul, un restaurant vĂ©gan au menu tout particuliĂšrement allĂ©chant. Tellement heureux que nous y sommes aussi retournĂ©s pour le diner.
Mardi 28 novembre
Le Jim Thompson House & Museum est situĂ© Ă bord de canal, pas trĂšs loin des grands centres commerciaux que jâai mentionnĂ©s dans mon entrĂ©e dâhier. Il sâagit de la maison dâun AmĂ©ricain, Jim Thompson, venu sâinstaller en ThaĂŻlande aprĂšs la Seconde Guerre mondiale.Â
Architecte de formation, il sâest dĂ©couvert une passion pour lâart de la soie thaĂŻlandais et a contribuĂ© Ă sa reconnaissance internationale. Il Ă©tait aussi collectionneur dâĆuvres dâart issues de la rĂ©gion.Â
Cette maison, devenue musĂ©e quelques annĂ©es aprĂšs sa disparition en 1967 dans des circonstances mystĂ©rieuses, est en rĂ©alitĂ© un assemblage de maisons traditionnelles, dĂ©montĂ©es et rĂ©assemblĂ©es sur le terrain quâil avait achetĂ© et qui faisait face au quartier des tisseurs de soie, de lâautre cĂŽtĂ© du canal.
Câest un trĂšs bel endroit avec un beau jardin. Un petit paradis vĂ©gĂ©tal au milieu de la capitale thaĂŻlandaise. La maison est parsemĂ©e dâobjets dâart issus de la collection du millionnaire : cela permet de se faire une initiation Ă lâart thaĂŻlandais et birman sans trop de frais ni dâeffort. Il est possible dâacheter les vĂȘtements que produit lâentreprise quâil a fondĂ©e dans une boutique accolĂ©e au musĂ©e.
MĂȘme si, dans un premier temps, jâai pensĂ© que Thompson Ă©tait gay (il a Ă©tĂ© un cĂ©libataire endurci et aucune femme nâapparait durablement dans sa biographie), ce nâĂ©tait visiblement pas le cas : jâai lu quelque part quâil avait Ă©tĂ© lâamant de la femme dâun ambassadeur et quâil collectionnait les conquĂȘtes (câĂ©tait un bel homme, faut dire). Le fait quâil ait Ă©tĂ© mariĂ© trĂšs briĂšvement Ă Patricia Thraves nâest pas en soi une preuve de son hĂ©tĂ©rosexualitĂ© (bien au contraire, je dirais)⊠Et on connait lâattrait de lâĂ©tranger pour les hommes qui aiment les hommes. Peut-ĂȘtre Ă©tait-il bisexuel, peut-ĂȘtre Ă©tait-il vraiment hĂ©tĂ©ro : on ne le saura jamais (comme on ne saura pas plus ce qui lui est arrivĂ© le 26 mars 1967 lors de son voyage dans les Cameron Highlands, en Malaisie).
Mercredi 29 novembre
Chiang Mai est une alternative Ă Bangkok pour tous ceux et celles qui prĂ©fĂšrent le calme Ă lâagitation sans cesse de la capitale. Il semble y avoir une meilleure sĂ©lection de restaurants vĂ©gĂ©tariens ou vĂ©gans : certainement une consĂ©quence de la prĂ©sence des digital nomads, qui ont choisi cette ville du nord du pays comme lieu de sĂ©jour temporaire. On y trouve aussi quelques «âdispensairesâ» de beuh, depuis que la ThaĂŻlande a lĂ©galisĂ© la marijuana : tout est vraiment fait pour quâon sây sente bienâ!
Jeudi 30 novembre
Je ne pense pas.Â
Dans un pays Ă©tranger que lâon visite pour la premiĂšre fois, le cerveau est trop occupĂ© Ă assimiler les bruits, les odeurs, ces sensations nouvelles, pour penser quoi que ce soit. Il nây a nulle pensĂ©e qui lie les expĂ©riences les unes aux autres. Au contraire, ces derniĂšres semblent sâenchainer, se compiler, sâentasser. Peut-ĂȘtre que la rĂ©flexion vient aprĂšs le voyage. Quand on a le temps de digĂ©rer ce que lâon a vĂ©cu. Quand l'ennui repointe le bout de son nez.
Vendredi 01 décembre
On dit de Chiang Mai quâelle est la seconde plus grande ville de ThaĂŻlande. Tout le monde le dit : le gouvernement, les sites touristiques, mĂȘme WikipĂ©dia.Â
Or, quand on regarde la population des plus grandes villes, on sâaperçoit que «âla rose du Nordâ» ne se place mĂȘme pas dans le top 5⊠Elle nâest pas non plus la seconde ville la plus visitĂ©e du paysâŠ
Du coup, comment expliquer cette bizarrerieâ? Aucune idĂ©e. Peut-ĂȘtre confond-on la ville et lâagglomĂ©ration.
Ce qui est certain, toutefois : Chiang Mai est la capitale de la province Ă©ponyme et, avec ses 127â000 habitants (2019), la plus grande ville du nord du pays. Ancienne capitale du royaume de Lanna, elle a Ă©tĂ© annexĂ©e par le Royaume de Siam dans la seconde moitiĂ© du XIXĂšme siĂšcle.
Samedi 02 décembre
Araksa Tea Garden
Situé dans les montagnes, à une heure et demi en taxi de Chiang Mai, Araksa Tea Garden est un petit coin de paradis pour les amateurs de thé.
Les visiteurs peuvent cueillir quelques pousses de thĂ©, assister Ă sa prĂ©paration (en thĂ© vert, car le thĂ© noir prendrait trop de temps) et dĂ©guster le fruit de leur labeur. Le cadre est paisible et me donne envie de me rĂ©orienter professionnellement. Je me demande comment on finit par travailler dans lâindustrie du thĂ©.
Dimanche 03 décembre
Museum of Maker - Kalm Village
Ă deux pas de notre hĂŽtel, ce musĂ©e est en rĂ©alitĂ© une fondation qui abrite des boutiques, un cafĂ©-bibliothĂšque, un restaurant et quelques galeries dâart.
Lâarchitecture contemporaine ici excelle : sur plusieurs niveaux, il y a de nombreux coins et recoins oĂč lâon peut se poser pour admirer tantĂŽt la vue sur un temple voisin tantĂŽt un petit espace vert avec fontaine.
Lâexposition temporaire, Colour lives, se focalise sur les meubles trĂšs colorĂ©s de Suwan Kongkhunthian. Ă lâĂ©tage, on peut voir les collections de textile tirĂ©es des archives de la fondation. Ces beaux motifs sont ceux des tribus des montagnes et ont certainement inspirĂ© Suwan K.
Mardi 05 décembre
Nous nous sommes retrouvĂ©s avec un vol de retour sur Bangkok en toute fin de journĂ©e : mauvaise idĂ©e, mais ce nâĂ©tait pas de notre choix. Comme nous avions visitĂ© tout ce que nous voulions voir, nous sommes restĂ©s Ă lâhĂŽtel, mĂȘme aprĂšs avoir rendu les clĂ©s de notre chambre Ă midi.Â
Moi qui avais pris lâhabitude de faire une sieste durant lâaprĂšs-midi, lâabsence dâun lit mâa rendu un peu grincheux. Mon mari, quant Ă lui, a passĂ© une bonne partie de sa journĂ©e Ă la piscine : il Ă©tait ravi.Â
Ă lâaĂ©roport, nous avons mangĂ© au Burger King : les prix sont presque aussi Ă©levĂ©s quâau Royaume-Uni, mais les portions de frites dites «âlargesâ» le sont vraiment. Certainement trop pour des EuropĂ©ens, qui ont lâhabitude de portions plus rĂ©duites.
Mercredi 06 décembre
Quand nous avons prĂ©parĂ© le voyage, jâai convaincu mon mari quâaprĂšs Chiang Mai, il valait mieux prĂ©fĂ©rer Pattaya Ă Phuket pour voir la mer.Â
AprĂšs quelques heures Ă Pattaya, je regrette ce choix : cette ville de bord de mer reprĂ©sente tout ce que je dĂ©teste. Câest grand, câest bruyant et ça nâa aucun charme. Nous allons y passer les quatre prochains jours avant de revenir Ă Bangkok pour le vol du retour.
Jeudi 07 décembre
AprĂšs plusieurs jours dâobservation, je peux confirmer quâun terrible crime contre lâhumanitĂ© est perpĂ©trĂ© dans le royaume du sourire : les ThaĂŻlandais enferment les viennoiseries dans des chauffe-plats, convaincus quâelles doivent se consommer chaudes.
RĂ©sultats : les chocolatines et les croissants, devenus secs et rabougris aprĂšs un tel traitement, sont immangeables. Appelez-moi lâAmbassadeâ!
Vendredi 08 décembre
RĂȘve Ă©trange, mais dont la thĂ©matique est malheureusement trop rĂ©currente pour ne pas ĂȘtre chargĂ©e de sens : cette nuit, je suis retournĂ© sur les bancs de lâĂ©cole. Pour ĂȘtre plus exact, ceux de la prĂ©paâ!
Ă 36 ans, retourner en prĂ©pa, câest quand mĂȘme ridicule. MĂȘme dans mon rĂȘve, je trouvais que câĂ©tait abusĂ©.
Dans mon rĂȘve, deux prises de conscience mâont Ă©branlĂ© assez pour que je mâen souvienne :Â
Que jâallais devoir me coucher Ă minuit tous les soirs si je souhaitais garder le rythme de la prĂ©pa⊠(quel traumatisme : mon sommeil est ce qu'il y a de plus important dans ma vie)â;Â
Que jâallais devoir arrĂȘter la rĂ©daction de ce Journal pour me concentrer sur mes Ă©tudes... AprĂšs presque une annĂ©e Ă le rĂ©diger tous les jours, câest cet abandon-lĂ , juste avant la ligne finale, qui promettait de mâachever.
Samedi 09 décembre
En ce moment, je lis le Rowan Harbor Cycle (2018-2019) : trois trilogies qui se suivent et ne peuvent se lire indĂ©pendamment. Câest de la fantasy urbaine M/M. Jâai dĂ©couvert lâautrice, Sam Burns, grĂące Ă son dernier roman, Where Foxes Say Goodnight (2023).
Le Rowan Harbor Cycle est une illustration de ce que Gail Carriger dĂ©veloppe dans The Heroineâs Journey : lâaction est portĂ©e par une communautĂ© de personnages et non par un hĂ©ros solitaire. Lâentraide est ce qui garantit le succĂšs de leur combat contre le mal et ses incarnations. Aucune trilogie nâest dĂ©diĂ©e Ă un protagoniste en particulier. Devon, Jesse et Fletcher sont pour ainsi dire Ă©gaux : ils assument chacun une partie de la narration/action (comprendre : un tome chacun).Â
La premiĂšre trilogie pose les bases. Puisque nous sommes dans du MM, chaque tome raconte comment les protagonistes ont rencontrĂ© leur mate/Ăąme-sĆur. Puisque jâai Ă peine commencĂ© la lecture du 4Ăšme volume, je nâai pas encore une vision panoramique des choix narratologiques de lâautrice, mais je suis curieux de voir comment elle dĂ©veloppe son intrigue avec ce schĂ©ma original, entre variĂ©tĂ© et rĂ©pĂ©tition.
Dimanche 10 décembre
Au final, nous avons quittĂ© Pattaya plus tĂŽt que prĂ©vu. Ce nâest pas une ville que nous visiterons de nouveau le jour oĂč nous retournerons en ThaĂŻlande.Â
Mais il y a eu quelques points positifs : par exemple, son centre commercial, Terminal 21, situĂ© Ă cĂŽtĂ© de notre hĂŽtel, est meilleur que son homologue de Bangkok. Nous y avons passĂ© presque tout notre temps (câest lĂ que se trouvaient de nombreux restaurants). Nous sommes mĂȘme allĂ©s au cinĂ©ma. Nous avons vu Wonka : en plus de ses talents dâacteur, qui nâĂ©taient pas un secret, TimothĂ©e Chalamet y dĂ©montre quâil sait parfaitement chanter. Certaines personnes semblent tout avoir dans la vie : la loterie gĂ©nĂ©tique, câest quand mĂȘme quelque chose.
Lundi 11 décembre
Treize heures de vol, câest long⊠mais au moins, lâavion nâĂ©tait pas aussi froid quâĂ lâaller. Peut-ĂȘtre parce que le cockpit avait fait le plein dâair chaud thaĂŻlandais (il faisait 34° au dĂ©part de Bangkok)â; peut-ĂȘtre parce quâune partie du vol sâest faite durant la journĂ©e. Qui sait !
Malheureusement, le divertissement Ă©tait aussi mĂ©diocre quâĂ lâaller : EvaAir pourrait proposer davantage de films et de sĂ©ries. Je pensais que je verrais la fin de Haunting Mansion, que jâavais commencĂ© deux semaines plus tĂŽt, mais jâai abandonnĂ© aprĂšs cinq minutes. Jâai prĂ©fĂ©rĂ© regarder Blue Beetle, un des derniers DC, qui, Ă dĂ©faut dâoffrir une histoire un tant soit peu originale, est bien fait. Câest agrĂ©able de voir une distribution entiĂšrement latino Ă lâĂ©cran. Jâai, ensuite, regardĂ© un film japonais de NoĂ«l : Black Night Parade (2022), adaptĂ© dâun manga (comme tout ce qui nous vient du Japon, Ă peu prĂšsâ!). TrĂšs bien, mĂȘme si la fin abrupte appelle une suite, vu quâune bonne partie de lâintrigue nâa pas Ă©tĂ© rĂ©solue.
Jeudi 14 décembre
Je me laisse quelques semaines pour dĂ©cider de ce qui mâoccupera durant le premier trimestre de 2024.Â
Les projets ne manquent pas : je peux retourner aux aventures de Corydon, dâAlexandre and co., que jâai mises en pause en novembreâ; ou poursuivre la nouvelle sur le Rabbit God que jâai commencĂ©e avant de partir en ThaĂŻlande pour me divertirâ; ou encore, rĂ©diger lâĂ©pisode 3 du DĂ©mon Blanc afin de terminer la premiĂšre saison (commencĂ©e en 2020). Il y aussi les suites quâon me demande : ce qui arrive Ă Raiden, Ă Louis et Ă Roberta aprĂšs les Ă©vĂšnements de Dormeveille College⊠ou des nouvelles des amours de Lucien et dâAndrew, de Marc et de Damian (Tendres Baisers).
2024 pourrait ĂȘtre lâannĂ©e oĂč je me dĂ©cide enfin Ă Ă©crire un projet dâĂ©criture fragmentĂ©e, inspirĂ© des Villes Invisibles de Calvino, des Chants perdus de lâOdyssĂ©e de Zachary Mason ou des Ghost Variations de Kevin Brockmeier. Des Microfictions, en somme, mais davantage liĂ©es entre elles que celles de RĂ©gis Jauffret et bien plus fantastiques (et moins dĂ©primantes)â!Â
Pour cela, il me faudrait sortir des sentiers battus, mais je ne suis pas sĂ»r dâavoir le courage, ni de savoir comment faire. Cela fait des annĂ©es que je rĂ©flĂ©chis Ă la question. Ma conclusion : seul importe le plaisir de lecture. Il faudrait donc Ă©crire quelque chose qui soit Ă la fois fragmentĂ© et qui pique lâintĂ©rĂȘt du dĂ©but jusquâĂ la fin. (Les ouvrages que jâai citĂ©s plus haut ont tendance Ă mâennuyer au bout dâun moment. Je les aime, mais peut-ĂȘtre suis-je amoureux de lâidĂ©e quâil reprĂ©sente, davantage que du produit final.)Â
Mission impossible doncâ? Certainement.
Samedi 16 décembre
La littĂ©rature est un acte de communication⊠Câest un Ă©change entre lâauteurice et ses lecteurices.Â
Certain·es auteurices ne veulent pas Ă©changer. Iels sont lĂ pour impressionner : moi, moi, moi â voilĂ ce que leur texte semble crier Ă qui veut (ou pas) entendre. Le texte sâimpose sans laisser de choix. Il est comme sourd, il ne laisse aucune place Ă celleux qui le lisent⊠Un peu comme ces gens qui monologuent et ne prĂȘtent aucune attention Ă qui iels parlent. Iels sont lĂ pour dĂ©biter leur tiradeâ; iels ne discutent pas.
Ăvidemment, la littĂ©rature est un acte de communication inĂ©gal : on nâentend quâune seule partie de la conversation, celle de lâauteurice. Câest donc facile dâoublier quâil sâagit dâune conversation, et non dâun monologue. Quand on Ă©crit, on doit sâassurer que le texte soit le plus accueillant possible, quâil laisse une place confortable aux lecteurices et leur donne lâopportunitĂ© de rĂ©pondre pour ainsi dire (mĂȘme si on nâentendra jamais cette rĂ©ponse).
VoilĂ lâĂ©thique de lâĂ©crivain : respecter ses lecteurices, mĂȘme quand iel ne sait pas quâiels sont. Il nây a aucune honte Ă vouloir impressionner la galerie, mais lâhumilitĂ© (celle qui permet de raconter une histoire comme il faut, de la partager avec autrui en toute sincĂ©ritĂ©) doit sâexprimer en premier. Les mauvais auteurs sont ceux qui entrent en littĂ©rature pour les mauvaises raisons, ceux qui oublient quâil sâagit dâun acte de partage oĂč lâĂ©goĂŻsme ne saurait avoir sa place.Â
Oui, Ă©crire, câest ĂȘtre Ă©gocentrique⊠câest se mettre au milieu. Câest dire : jâexiste donc je crĂ©e.
Mais Ă partir du moment oĂč lâon veut ĂȘtre lu, la dynamique change. On doit prendre en compte son lectorat et ses besoins⊠lâaccueillir au sein de lâĆuvre, lui rendre la visite agrĂ©able.
Mardi 19 décembre
Hier soir, jâai commencĂ© Sunshine by my Side avec Xiao Zhan dans le rĂŽle-titre. Ă 32 ans, son visage est celui dâun homme⊠Je peine Ă retrouver dans ces beaux traits anguleux la douceur du visage de Wei Wu Xian dans The Untamed (2019).
Sunshine by my Side (sorti en septembre dernier) a tout pour me plaire: câest lâhistoire dâun jeune homme qui est amoureux dâune femme plus ĂągĂ©e. VoilĂ un trope que je nâapprĂ©cie que dans ce sens. Lâinverse a un petit cĂŽtĂ© prĂ©dateur sexuel, mĂȘme quand il sâagit de sa version gay. Pourquoi est-ce que lâune (homme jeune/femme plus ĂągĂ©e) me plait tandis que lâautre (homme jeune/homme mature) me crispeâ? VoilĂ quelque chose qui intĂ©resserait ma psychothĂ©rapeute (si seulement jâen avais uneâ!).
Pour ĂȘtre honnĂȘte, ce trope me botte tout particuliĂšrement dans les sĂ©ries chinoises, car il nây a quâavec lui quâon Ă©vite la protagoniste bimbo capricieuse et immature que lâon retrouve dans les 3/4 des productions du pays. Jâaime les personnages fĂ©minins forts et indĂ©pendants. Jâaime quâelles soient le centre de gravitĂ© de lâhistoire et quâelles nâaient pas besoin de se ratatiner pour lâhomme.
Jeudi 21 décembre
On ne peut pas sâaffirmer «âcentristeâ» quand on flirte avec lâextrĂȘme droite. On est dâextrĂȘme droite, point final.
Vendredi 22 décembre
Le plan de Macron a-t-il toujours Ă©tĂ© de faire deux mandats, puis de se faire remplacer par Le Pen pendant cinq ans, avant de revenir en hĂ©ros triomphant pour un autre mandat, voire deuxâ?
Je ne mâexplique pas autrement la lĂ©gitimation hypocrite du RN telle quâelle est orchestrĂ©e par ce gouvernement.
Sâil sâagit de lâintention de Macron, câest Ă©videmment risquĂ©Â : lâextrĂȘme droite ne joue pas selon les mĂȘmes rĂšgles. Une fois quâelle sera au pouvoir, qui sait ce quâil faudra faire pour lâen Ă©jecter.
Samedi 23 décembre
Peut-ĂȘtre que la bonne critique littĂ©raire doit pouvoir se lire sans quâon ait lu lâouvrage quâelle passe en revue.
Câest lâimpression que me donne All These Worlds de Niall Harrison, un recueil de ses critiques de SF, parues entre 2005 et 2014.Â
Je nâai rien lu de ce qui est au sommaire (je ne suis pas un grand lecteur de SF, malheureusement), mais chaque article clarifie les enjeux du roman, tout en replaçant ce dernier dans la production science-fictionnelle qui lâa prĂ©cĂ©dĂ© ou qui lui est strictement contemporaine. Niall Harrison trouve, semble-t-il, le juste milieu lorsquâil prĂ©sente les Ă©lĂ©ments de lâintrigue, rĂ©vĂ©lant seulement ce qui est nĂ©cessaire afin de soutenir les thĂšses quâil met en avant. Dans lâesprit du lecteur ignorant, une image dĂ©taillĂ©e se forme alors, qui ne gĂąche pas pour autant lâenvie de lire le roman.
Lundi 25 décembre
La microfiction est une histoire minimaliste racontĂ©e en un nombre limitĂ© de mots.Â
Les anglophones, comme Ă leur habitude, ont dĂ©jĂ tout dĂ©fini, avec des termes diffĂ©rents selon la longueur : la twittĂ©rature se limite Ă 280 caractĂšresâ; le dribble ou minisaga ne dĂ©passe pas les 50 motsâ; le drabble (ou la vraie microfiction, si on veut ĂȘtre pĂ©dant) se dĂ©veloppe sur 100 mots tandis que la sudden fiction peut aller jusquâĂ 750. La microstory, quant Ă elle, aussi connue sous le nom de flash fiction, est plus majestueuse avec ses 1000 mots.
Les littĂ©ratures de lâimaginaire ont investi cette forme brĂšve avec bonheur. Je lis en ce moment lâanthologie anglophone Cosmos, qui regroupe 100 microfictions (de 100 mots), en prose ou en vers, dâauteurices varié·es (mais je ne crois pas quâiels soient au nombre de cent). Le tout est publiĂ© chez Ghost Orchid Press, qui a sorti en 2021, sous la houlette dâA. R. Ward, cinq anthologies fantastiques (ou horrifiques) de ce type autour des thĂšmes de la maison, de lâespace, des souterrains, des profondeurs marines et⊠des groupes de rocks.
Mardi 26 décembre
Une recherche sommaire du catalogue dâAmazon.co.uk montre que seuls les littĂ©ratures de lâimaginaire et lâĂ©rotisme semblent avoir produit des recueils de microfictions en nombre.Â
Plus intĂ©ressant pour moi, Lawrence Schimel, lâauteur de SFFF et dâexpression anglo-espagnole, a sorti en 2016 un recueil de microrĂ©cits gays : Una barba para dos (y otros 99 microrrelatos erĂłticos) chez lâĂ©diteur Dos Bigotes. Trois de ces microfictions ont Ă©tĂ© traduites en anglais et publiĂ©es sur le site Words Without Borders. VoilĂ ce que jâaimerais Ă©crire en 2024.
Mercredi 27 décembre
Lâacteur corĂ©en Lee Sun Kyun sâest suicidĂ© suite Ă une triste affaire (suspicion de prise de cannabis). Il avait 48 ans.
Un drame qui dĂ©montre Ă quel point le paysage mĂ©diatique de la CorĂ©e du Sud est toxique : lĂ -bas, les sacrifices de stars sont lĂ©gion. On les porte au faite de la gloire avant de les prĂ©cipiter dans lâabime avec une violence spectaculaire (car il sâagit avant tout dâun spectacle, fait pour divertir)âŠÂ
Les crimes de ces idoles sont souvent minimes, voire ridicules : lâun a une petite-amie, lâautre a fumĂ© un joint.Â
Mais un tel niveau dâidolĂątrie ne supporte pas que ces stars puissent ĂȘtre humainesâ; on ne leur pardonne donc aucune imperfection. On les met au piloriâ; le harcĂšlement ne connait pas de fin.
Ou plutĂŽt, si, il prend fin quand lâidole conspuĂ©e, harassĂ©e, ayant perdu tout espoir, se suicide.
Jeudi 28 décembre
La semaine derniĂšre, quand je me ratissais le crĂąne Ă la recherche dâun nouveau projet dâĂ©criture pour 2024, faisant fi de ceux que jâai dĂ©jĂ commencĂ©s et mis de cĂŽtĂ© (for now or for ever), je nâavais pas envie dâĂ©crire de la poĂ©sieâŠ
Les envies vont et viennent, et parfois, avec une rapiditĂ© dĂ©concertante, si bien que, maintenant, je veux en Ă©crire. Câest souvent ce qui se passe quand je visite Instagram : quelques posts poĂ©tiques, au milieu dâune pluie dâacteurs BL, suffisent Ă raviver ma passion pour la poĂ©sie.
En 2023, je mâĂ©tais donnĂ© pour mission dâĂ©crire une entrĂ©e de journal par jour, dâabord pour un mois entier, puis, au final, pour une annĂ©e. Mission accomplie, sans trop de mal, et finalement, beaucoup de plaisir. Je continuerai en 2024. Peut-ĂȘtre jusquâĂ ce que mort sâensuive.
Mais qui dit nouvelle annĂ©e, dit nouveau dĂ©fi : il est temps que je retourne Ă la poĂ©sie. Au mois de janvier, jâĂ©crirai un poĂšme par jour (minimum).
Vendredi 29 décembre
Je dois avoir les yeux plus gros que le ventre (I want to bite off more than I can chew), mais jâaimerais me lancer un second dĂ©fi : Ă©crire 500 microfictions de 500 mots chacune.Â
Câest certainement trop ambitieux pour ĂȘtre accompli en une annĂ©e, mais rien ne mâempĂȘche de commencer et de voir oĂč ça me mĂšnera.
Peut-ĂȘtre nâen Ă©crirai-je que dix ou cinquanteâ; peut-ĂȘtre seront-elles extrĂȘmement mauvaises. Mais plutĂŽt que de rĂ©flĂ©chir Ă une idĂ©e pendant des semaines et des semaines, puis l'abandonner avant que de commencer, il est prĂ©fĂ©rable que je la teste en la mettant en pratique.
TrÚs bonne lecture ! j'ai particuliÚrement apprécié votre voyage en Thaïlande